jeudi, 18 juin 2009
Tout pour la Flandre. (Alles voor Vlaanderen).
Kris Peeters, futur ministre-président flamand, a commis une note de formation gouvernementale qui établit clairement les principes de la direction flamande, et met le pays entier sous droit de veto neerlandophone. De quoi confirmer que la Flandre continuera à avancer ses pions un à un jusqu'à satisfaction définitive. Peeters veut en outre intensifier les politiques que je qualifie de « raciales » et se met en position de lancer un ultimatum aux Francophones et à l'état fédéral : soit vous cédez en tout, soit, nous gérons le pays sans vous. On est le 18 juin. Si je faisais un appel ?
Il y a des jours où on est heureux d’avoir eu raison. Ce sont aussi les jours où l'on regrette d'avoir eu raison. Je parle de Walen Buiten, mon docu-fiction sur la Belgique. Je l’ai écrit il y a douze mois. J’y prévoyais que la Flandre allait petit à petit prendre des mesures pour, d’une part, se gérer sans se soucier du reste du pays, quitte à légiférer inconstitutionnellement, et d’autre part, pour inciter les Bruxellois à « être ou devenir flamand » par des mesures financières attrayantes. En attente de l’accord d’un éventuel éditeur, du moins, je peux me rassurer : je n’ai pas rêvé, dès lors que le contenu de la note de formation du gouvernement flamand par Kris Peeters, son ex- et futur-ministre-président, revient exactement à cela !
Comment le savais-je ? Suis-je devin ? Non. Juste attentif. Il fallait simplement écouter les voix qui s’élèvent au Nord du pays depuis deux bonnes années pour contourner l’avis des Francophones en les soumettant à une pression politique et financière telle qu’ils n’auraient d’autre choix que d’accepter les « propositions » flamandes, et ce, sans la moindre contrepartie. Il n’y a pas d’espace de négociation, pas le moindre.
La Flandre, état à part entière coincé par la Belgique.
On considère souvent au Nord (y compris par écrit, ou par la voix de notre ministre des Affaires étrangères) que les 58 % des Belges qui le peuplent — soit les Flamands — devraient détenir le pouvoir absolu, puisqu’ils constituent la majorité. Cela inclut bien sûr le pouvoir de décider, par exemple de la « frontière » exacte de sa région ou du destin de Bruxelles. Cette Flandre se perçoit comme un état à part entière, momentanément forcé de vivre un fédéralisme dans lequel Bruxelles et la Wallonie sont un poids qu’elle affirme inacceptable. Mais elle revendique par ailleurs sa capitale : « la Flandre ne lâchera jamais Bruxelles ! » Faut-il entendre par là que si elle se déclarait indépendante, la Flandre chercherait à tout prix à annexer Bruxelles ? Il serait en tout cas dangereux de ne pas le penser. Mais cela risque bien d’empêcher cette indépendance. Pour des siècles !
Tenez : même Jean-Marie De Decker (LDD, populistes flamands de droite radicale) le dit : l’indépendance flamande est impossible sans régler le problème de Bruxelles. Comment régler un problème vieux de trois siècles ? D’ailleurs, il « empire » : dans la périphérie (flamande en principe), moins de la moitié des enfants des écoles néerlandophones ont des parents de langue maternelle néerlandaise. Dans une ou deux générations, tout au plus, le français et l’anglais seront les langues principalement parlées à Overijse, Hoeillaert, Wemmel, Strombeek, Zellik, Dilbeek et même Merchtem, peut-être.
Comment éviter l'émigration francophone en…Flandre.
Les quatre dernières citées seront probablement habitées par une majorité de citoyen(nes) né(es) d’extra-européens. Il n’y a donc qu’un moyen de « sauver » le caractère flamand de ces communes : forcer les gens à être néerlandophones pour y habiter. Le Wooncode, ça ne vous rappelle rien ? Et ce juge de paix qui aurait récemment sous-entendu par écrit que la connaissance du néerlandais était une obligation pour tout Belge de Flandre et dans le cas qui nous occupe, y compris dans une commune à facilités ! La préservation du caractère flamand de la périphérie a même son ministre, le socialiste flamand Frank Vandenbroucke. Alors, pensez s’ils ont l’intention de laisser tomber la ville !
S’ils n’ont pas l’indépendance, ils veulent (déjà) la périphérie, et le tiers de Bruxelles. Il n’y aura plus de lien physique entre Bruxelles et la Wallonie. Jamais. Et en fait, il n’y aura plus non plus de réforme de l’état. Jamais. C’est là que ça se gâte.
La note gouvernementale de Kris Peeters, publiée hier, est déjà saluée par les nationalistes (avec un enthousiasme qui montre à quel point ils ont eux-mêmes inspiré cette note) et ne semble pas déranger Guy Verhofstad qu’on a connu mieux inspiré — j’espérais qu’il se fendrait d’un de ses grands discours sur l’intolérance, mais visiblement, en Flandre, l’heure n’est plus aux grands principes, hormis ceux du flamingantisme, évidemment. Cette note contient quelques éléments de nature à asphyxier le pays.
Une sécurité sociale raciale
« Racial » peut choquer, je le comprends. Mais je me dois d’appeler un chat un chat : dès lors que le futur chef du gouvernement flamand considère que le Francophone n’a pas droit à la même allocation familiale qu’un Néerlandophone, alors qu’ils vivent dans le même pays, il établit une différence raciale. Elle n’est pas linguistique,de toute évidence : il serait absurde qu’un citoyen touche une allocation en fonction de la langue qu’il parle, non ? Ou alors, on donnera encore plus aux bilingues ? Elle ne peut être religieuse. Alors, la seule raison logique d’offrir des avantages sociaux différents aux uns et aux autres serait que les deux individus (fr et nl) aient une « valeur » intrinsèque différente. Ajoutons à cela les messages des politiciens flamands à l’égard des francophones, qui sont soit condescendants, soit au contraire des cris de douleurs de victimes oppressées sorties du fond des temps, de la guerre de quatorze, pour prouver la méchanceté fondamentale du Francophone. Décidément oui, nous sommes, pour ces politiciens-là, de deux races différentes. Marino Keulen prétend du reste qu’en Flandre, il y a des valeurs particulières que les gens apprécient (et qu’il n’y a pas ailleurs), comme le fait d’apprécier les gens qui travaillent. Pense-t-il que les Wallons ne travaillent pas ? Dans ce cas, il établit une différence raciale et pratique une politique raciste.
Cette différenciation apparut encore lorsque la Flandre voulut qu’à Bruxelles, seuls les Néerlandophones bénéficiassent de la « jobkorting », une réduction d’impôts accordée à l’origine aux seuls Flamands et aux néerlandophones de la capitale (à l’exception, donc, des Francophones). Heureusement, les hautes juridictions de l’état ont rapidement mis bonne fin à la discrimination en question. Mais l’intention du législateur flamand était très nette : créer un apartheid fiscal et social entre Flamands et Francophones de Bruxelles. Ça s’appelle une fiscalité raciale et une sécurité sociale raciale. C’est dans le plan de Kris Peeters. CQFD. Ce qu’il fallait démontrer.
Toujours le mot pour rire !
En parcourant la note de Kris Peeters, je suis tombé sur un trait d’humour typique de notre gantois, que je ne peux m’empêcher de vous livrer : « Nous mettons à profit la présidence européenne (belge — ndt) pour présenter clairement l’image de la Flandre en Europe. » Tordant.
Les deux derniers paragraphes de la note sont d’un tout autre tonneau, salé : « le Gouvernement flamand continuera à s’investir pour obtenir une structure étatique efficace et effective, avec des états (con)fédérés forts et dynamiques, qui reçoivent des instruments supplémentaires à cet effet […] avec pour référence les propositions qui ont été formulées par le Gouvernement flamand précédent. » Autrement dit : la base de discussion reste la révolution copernicienne de Kris Peeters, à savoir le confédédéralisme le plus extrême (code de la route séparé, fiscalité séparée, sécurité sociale séparée, etc.), ce qu’il confirme par : « Ce sont les gouvernements des états (con)fédérés qui doivent construire une vision pour la vie en communauté sur base d’un consensus mutuel. »
Le veto réinventé.
Pour la méthode, ou plutôt les armes, elles sont couchées clairement sur la note : « nous faisons un usage optimal de nos propres compétences dans les limites du cadre constitutionnel et légal… » Cette méthode, la Flandre l’a déjà mise à profit en contournant la loi fédérale, ou du moins son esprit (« tous les Belges sont égaux ») pour attribuer à ses « ressortissants » la fameuse ristourne d’impôts de 250 à 300 euros, créer une assistance-soins réservée aux Flamands, etc. Les limites du cadre légal ont donc déjà été franchies. En 1999, la Flandre votait même un ensemble de lois portant sur la structure même de l’état central, ce qui était évidemment anticonstitutionnel. Mais la Flandre décide de toute façon elle-même de ce qui lui paraît constitutionnel ou non. C’est ainsi qu’elle a avalisé la Circulaire Peeters et qu’elle a balayé tous les (autres) jugements non conformes à son point de vue, fussent-ils émis par des comités très internationaux.
Plus inquiétant encore, la suite révèle que : « nous utilisons les instruments prévus dans la législation lorsque d’autres administrations agissent dans {~influent sur} notre domaine de compétences », ce qui implique que la Flandre bloquera les lois et décrets par « tous » les moyens légaux (sonnette d’alarme ou conflit d’intérêt) dès qu’une décision d’une autre région ou du fédéral ne lui conviendra pas. Ce principe est inacceptable, parce qu’il revient pour la Flandre à se doter d’un droit de veto de facto sur toute politique nationale ! Elle utilisera pour cela des principes démocratiques qui furent créés pour défendre une communauté contre une autre en cas d’abus. Elles se justifient pleinement dans la défense de BHV par les Francophones, dès lors que les droits de la minorité française de Flandre sont tout simplement ignorés.
Chaos en vue !
Mais utiliser ces outils interrégionaux pour régir tout le pays à partir du seul gouvernement flamand est un acte de guerre institutionnelle dès lors que la Flandre déclare ainsi son intention de pourrir l’état central à son seul profit, et selon sa seule volonté, jusqu’à ce que celui-ci n’en soit plus qu’une marionnette docile ou tombe comme un fruit mûr. On me rétorquera que si la Flandre usait de ces systèmes de conflits (le Conflit d’intérêts reporte le vote d’une loi de plusieurs mois), elle se plongerait elle-même dans le chaos. Je répondrai : bon sang, mais que la voyez-vous faire depuis juin 2007, sinon plonger tout le pays dans le chaos politique ? Quant à utiliser ces modes de blocage législatif, la voie fut ouverte très récemment par Frank Vandenbroucke, socialiste, qui faillit ainsi stopper net le plan anticrise de Van Rompuy et aurait pu (dû) provoquer une crise gouvernementale dont personne, à Bruxelles, ne voulait.
Cette déclaration de guerre à l’état central (veto potentiel à toute décision fédérale) est dans la droite ligne de la conception flamande du dialogue, que l’on retrouve dans la note en forme d’ultimatum : « le nouveau Gouvernement flamand mettra la réforme de l’état à l’agenda du Comité de Concertation ; au sein de ce comité, on évaluera l’existence d’une volonté des Francophones à coopérer et l’on prendra des engagements sur la méthodologie, les objectifs et les matières pour la suite de la réforme de l’état. » Bref, il ne s’agit pas du tout d’inviter les Francophones à discuter (ou non), mais de leur donner une chance (la dernière ?) d’un accord honorable. Sinon ?
La fin de l'état belge ?
C’est ça, le problème. Si je comprends bien Kris Peeters, c’est une réforme de l’état, ou alors, plus du tout d’état. Il ne « demande » pas une révolution copernicienne ni ne la propose : il la veut ! Il ne peut admettre qu’elle lui soit refusée ! L’équation est : faire plier les Francophones et, s’ils ne plient pas, agir sans leur demander leur avis. La Flandre a déjà fait preuve de ses capacités à décider pour tous : par exemple, en votant, inconstitutionnellement, que la ville de Bruxelles était la capitale de la région flamande dont elle ne fait… pas partie.
Si vous doutiez des ambitions flamandes sur Bruxelles, je vous laisse la finale du document, en précisant auparavant qu’il existe déjà en Flandre une loi forçant les entrepreneurs en bâtiment à vendre certains terrains exclusivement aux gens qui ont « un lien social et culturel » fort avec la région. Un comité évalue, pour chaque candidat, si ces liens sont suffisants, sur aucune base particulière, juste un lien bien vague. L’objectif, d’après le ministre en charge du logement, est d’empêcher les Hollandais d’acheter tous les terrains belges au Nord d’Anvers, aux Bruxellois et autres Francophones de continuer à s’installer à Knokke-le-Zoute (il y a beaucoup de boulot rien que là ! ) et aux expats de s’installer en masse dans les jolies régions du Brabant flamand. La Flandre aux Flamands, voilà la toile que tisse, avec une hypocrisie parfois ridiculement transparente, le gouvernement flamand. Et Van Rompuy, premier ministre national, « prend acte » et travaille à tout autre chose. A garder un gouvernement central le plus faible possible en attendant que la révolution copernicienne voie le jour ?
Le droit du sol, revendication illégitime.
La dernière phrase du paragraphe qui suit revient donc à préconiser la purification du sol flamand de toute présence étrangère. Politique raciale, s’il en est. Chacun peut vérifier cette approche en lisant les interventions du propre frère du premier ministre, Eric Van Rompuy (qui siège du reste au même parti), dans les communes à facilités, où il dit à un bourgmestre légalement élu qu’il ne peut pas empêcher les Flamands de passer sur son territoire, parce qu’il est en Flandre. Autrement écrit, il dit aux Belges Francophones de Flandre qu’ils ne sont pas « chez eux ». Politique raciale encore.
Sur YouTube, vous pouvez trouver un exemple d’une telle politique lorsqu’un bourgmestre flamand se révolte à l’idée que des candidats francophones puissent se présenter aux élections en Flandre (la flèche en bas à droite de l'écran active les sous-titres en français). Il pourrait (mais c’est illégal) demander que seuls les candidats qui parlent le néerlandais aient le droit de se présenter. Mais ce n’est pas ce qu’il réclame : il veut interdire aux francophones l’accès à la candidature elle-même. Cet apartheid se base sur la langue, donc crée une différence raciale qui n’existe que dans son esprit et celui de membres de tous les partis flamands actifs en périphérie, des écologistes au Vlaams Belang. Walen buiten !
Conclusion de Kris Peeters : « les Flamands de Bruxelles et tous les Bruxellois qui le souhaitent font intégralement partie de la Communauté Flamande. Le Gouvernement flamand veut exercer ses compétences de façon maximale à Bruxelles et être un partenaire important dans la direction des affaires bruxelloises. Avec ses rôles européen et international, notre capitale constitue de plus un énorme atout pour la Flandre. Nous continuons à appliquer la politique de gestion flamande pour la préservation du caractère néerlandophone de la Périphérie flamande en faisant des efforts supplémentaires sur la promotion de l’habitat dans sa propre région. »
J'appelle ?
Reste l’essentiel. Voilà. Je le fais. Mon appel du 18 juin, mais 2009. Un appel pour que les modérés de ce pays (je comptais a priori sur Guy Verhofstad, peut-être même sur Herman van Rompuy) remettent ces gens à leur place, à savoir dans les oubliettes de l’histoire régionale. Mais visiblement, tout le monde politique flamand, ou à peu près, est aux abonnés absents. Faut dire qu’il y a distribution de sièges ! Avec des salaires ! Des jetons de présence ! Des voitures de fonction ! Personne ne veut rater ça, vous savez !
©Marcel Sel. Cet article contestataire est en diffusion libre et gratuite sous réserve expresse de mentionner l'auteur.
23:52 Publié dans Humeurs du Nord | Lien permanent | Commentaires (4) | | Facebook | Imprimer | | |
Commentaires
Le 18 juin, c'est aussi l'anniversaire de Waterloo... ce jour où le "petit Corse aux cheveux plats" a pris la tatouille de sa vie. Il était d'ailleurs grand temps.
Ceux qui doivent se marrer le plus - en observant notre vie nationale - sont probablement nos grands voisins et amis de l'Europe. Ils doivent se dire : "Aussi longtemps que ce petit peuple s'embrouille dans les méandres de ses pusillanimités, il nous emmerde à minima".
J'ai ainsi souvent imaginé que nos chères (très chères) querelles intestines pouvaient être subtilement entretenues par des instances (politiques, économiques ou militaires...) extra muros... (Quien sabe ?).
S'il nous faut essayer de comprendre ' comment nous en sommes arrivés à un tel point ? ' , il nous faudrait reprendre l'histoire des dernières décennies - et ce n'est pas aisé.
Il nous faudrait essayer de comprendre pour quel type de raisons le monde politique francophone des années 60-70 a - assez facilement - laissé faire le bulldozer institutionnel du Nord et, notamment, qui se serait effectivement senti obligé de faire capoter les accords d'Egmont ?
Comment "raconter" que le monde politique flamand a pu - sans être inquiété - boycotter le recensement de 1960 ?
Notre vie politique - depuis lors - repose entièrement sur le mensonge démographique qui en a résulté, à savoir : "Les Flamands (whatever it means...) sont dans les faits beaucoup moins nombreux qu'ils ne le prétendent".
C'est d'ailleurs la raison fondamentale pour laquelle ils ont imposé le principe du droit du sol.
En effet : ' Un sol, ça ne parle pas, ça ne pense pas et - surtout - ça ne vote pas !"
Conséquence : c'est beaucoup plus simple à dominer qu'un électorat qui aurait des intuitions et des avis partagés !!
Si les Flamands avaient la certitude matérielle d'être aussi nombreux qu'ils le prétendent - ils seraient évidemment les premiers à organiser un merveilleux recensement qui - enfin - ferait définitivement taire tout questionnement quant à leur majorité.
Or, il n'y a pas de chose plus interdite et plus abominée dans leur tête, que l'idée de procéder à un quelconque recensement. Pour des personnes qui se prétendent majoritaires à ± 60-61 %, c'est pour le moins étrange !
Mais voilà : ceux qui, parmi eux, savent ce qu'il faut savoir - savent pertinement bien que leur majorité est plus ténue - et que donc les fameuses clés de répartition (économiques, diplomatiques, budgétaires...) à 60/40 sont tout à fait usurpées.
Si certains devaient se montrer sceptiques par rapport à ceci, je leur dirais :
"Mais voilà une bonne raison de se compter enfin honnêtement ; organisons cela et - dès lors - nous pourrons fonctionner sur des bases démocratiquement beaucoup plus saines !"
Si - par hasard - vous connaissez des politiciens flamands qui seraient d'accord pour organiser ce recensement souhaitable, faites-moi signe.
Leur refus (dat is onbespreekbaar !) est - en fait - la preuve incontournable de ce mensonge insalubre et historique.
Si vous désirez un jour "expliquer" à un ami étranger les tribulations de notre vie nationale, il vous faudra commencer par lui exposer clairement les deux réalités ethniques suivantes :
1. Il est parfaitement possible de faire faire à 10 Flamands - la même chose, en même temps & dans le même sens. [Ils sont mobilisables].
2. Il est beaucoup plus compliqué de faire faire à 10 Wallons (ou à 10 Francophones) - la même chose, en même temps & dans le même sens. [Ils sont moins facilement mobilisables]
Cette constatation n'est en aucune manière un jugement moral : ce n'est qu'une donnée ethnologique.
Exactement comme on peut dire que les Africains ont statistiquement plus de mélanine dans leur épiderme que les Scandinaves... ou encore qu'il existe une différence d'attitude devant le travail entre un Lyonnais et un Marseillais.
Les différences existent... je les ai rencontrées.
En conséquence : si vous êtes un "homme de pouvoir" (qui a bien lu le traité de Machiavel) et que vous désirez vous positionner au sommet de notre bon pays, vous savez que vous devrez automatiquement fonder votre "clientèle électorale" sur cette fraction-là de la population.
À partir de ce choix judicieux, tous les moyens seront bons pour faire passer - par le mensonge et la crédulité - les lois, les principes et les budgets qui devront consolider (comme pour un bilan consolidé...) votre position dominante.
Goebbels l'avait bien compris :
"Dites un mensonge cent fois, cela restera toujours un mensonge.
Dites-le cent mille fois, et vous en ferez une vérité".
Ce "choix judicieux à la Machiavel" a été fait en Belgique par le monde de l'argent et par l'Église catholique - il y a déjà bien longtemps.
L'important c'était d'arriver à ce stade où ' un libéral, un socialiste ou un écologiste flamand ' soit d'abord flamand... bien avant d'être libéral, socialiste ou écologiste.
Pour atteindre ce résultat, il convenait d'écarter scrupuleusement tout ce qui pourrait amener le peuple élu à penser, à réfléchir ou à suggérer ses intuitions - en termes d'humanisme, de convivialité ou de simple décence.
Le droit du sol - ce fameux "sol" qui ne pense pas, qui ne parle pas et qui ne vote surtout pas - est alors la solution qui s'impose, dès lors qu'il s'agit d'asseoir et de consolider votre pouvoir.
Et qu'importe... qu'il faille passer par une instrumentalisation stratégique d'une sensibilité particulière de votre peuple :
"Le marketing est dur, mais c'est le marketing ! "
L'entreprise a parfaitement réussi et Machiavel doit glousser d'aise dans sa tombe - lui qui préconisait trois actions essentielles pour les Régnants :
1. Donnez un sol et des frontières à votre peuple. [Hier zijn Vlamingen thuis...]
2. Donnez-lui ensuite une langue et une culture commune. [Algemeen beschaafd taal, matières personnalisables, séparer enseignement, radio, télévision... ]
3. Pour cimenter le tout, donnez-lui un ennemi commun.[Afschuwelijke fransquiljoons, Aanpassen of verhuizen, Roll uw matten... enz].
Ma question demeure cependant.
Quels sont les cadavres qui traînent - et dans quels placards - pour que le monde politique francophone ait été en quelque sorte "obligé" de laisser faire tout cela ?
La réponse que je mijote - mais peut-être suis-je en pleine berlure - est que l'argent et le pouvoir n'ont aucune odeur linguistique particulière et que, si le Sud avait été plus manipulable que le Nord (n'est-on pas toujours le Méridional de quelqu'un...), on aurait peut-être vécu un scénario exactement contraire - ce qui était plus ou moins le cas à l'époque de la splendeur économique et industrielle du Sud.
Évidemment, quand la Société Générale de Belgique a dû renâcler sur le déclin de l'axe Sambre & Meuse, il lui était difficile de ne pas se débarrasser de cet enfant trop syndicalisé, de vendre le tout, de prendre son pognon et d'aller l'investir (avec les copains d'Arbed) dans un nouveau site comme SIDMAR (= Sidérurgie Maritime, en français dans le texte !).
Chronique d'un capitalisme annoncé : on est capitaliste ou on ne l'est pas.
Le canal de Terneuzen, c'était quand même en bonne terre flamande, avec de bons ouvriers qui allaient plus souvent à la messe le dimanche.
Le nouvel outil était flambant neuf et l'on a pu ainsi commencer à produire une concurrence directe à l'enfant qu'on venait de jeter... avec l'eau du bain.
Et ainsi, tout à l'avenant !
La suite consistait simplement à travailler le mental du peuple :
Glorifier "Moeder Vlaanderen", inventer et tisonner subtilement le martyrologe flamand - tout en continuant à lire Voltaire et à boire du Bordeaux, entre bons amis.
Mais, pour garder leurs prérogatives, les politiciens - qui avaient été installés pour gérer la bonne conduite de cette nef juteuse - ont commencé à se chamailler entre eux.
La politique flamande est devenu ce champ de bataille où chacun (pour se maintenir) devait se montrer plus flamand que flamand. Forcément, c'est le seul crédo qu'ils ont distillé dans la caboche de leur électorat et, au risque de sombrer dans l'oubli, ils ne peuvent donc plus tenir d'autre discours.
C'est ainsi que, depuis 40 ans, les problèmes lancinants de la Belgique ne sont principalement que les conséquences de problèmes flamando-flamands.
La seule façon qu'ils ont alors - pour dédouaner leurs clowneries - c'est d'écrire ces éditoriaux dans lesquels ils disent à leur peuple que ce sont les Wallons qui sont paresseux, fainéants et consommateurs de soins de santé.
Et ça marche !
Il arrive cependant que - comme pour le vent - les choses commencent à tourner un peu.
Aux prochaines élections européennes, la Flandre n'aura plus droit qu'à envoyer 12 députés (au lieu de 13) et les Francophones en auront 9 (au lieu de 8).
[De Standaard - cité par Belga].
Le tout s'est joué sur la place de Bruxelles, lors du récent scrutin du 7 juin.
Les suffrages exprimés sur les listes flamandes de la capitale n'ont totalisé que 51.818 votes, contre 408.870 sur les listes du collège francophone.
[En 2004, c'était respectivement : 62.516 et 391.216 ]
Il s'ensuit que l'attribution des députés envoyés à l'Europe sera : 12 Neerlandophones, 9 Francophones et 1 germanophone.
C'est quand même pas juste, pour une population dont les politiciens manifestent - par ailleurs - tellement d'ouverture aux autres et un tel sens de l'accueil !
Il n'empêche. Ils ont déjà obtenu bien des choses.
On a donc [408.870 + 51.818 = 460.688] électeurs qui se sont exprimés, à Bruxelles. Les électeurs flamands représentent donc 11,25 % de ce total.
Mais il ne faut pas oublier que - par la vertu des accords de la St Michel et de la St GlinGlin - ils reçoivent d'OFFICE 17 élus sur 89 (= 19,10 %) au Conseil de la Région bruxelloise... et cela, même si personne parmi eux n'était allé voter !
C'est, comme disait De Haene : irréfragable.
C'est pas beau, ça ?
Leucolenos
Écrit par : Leucolenos | vendredi, 19 juin 2009
Répondre à ce commentaireLe gouvernement flamand n'est pas encore formé, maisil s'orientera probablement vers une quadripartite CD&V - NVA - SPA - Open VLD, à la condition sine qua non qu'on en termine avec le praatcafé (négocier sans résultats et perdre du temps, ce qui arrange les francophones).
D'où l'idée de Bart de Waver de mettre tout de suite en route tout ce qui peut être flamandisé sans toucher vraiment à la Constitution, quitte à tordre un peu certains textes de lois. Allocations familiales différentes en Flandres par exemple, revision du précompte (jobkorting) etc...
L'idée, c'est d'indiquer aux négociateurs francophones qu'on va avancer, avec ou sans eux, en détricotant la Belgique jusqu'au moment où la pomme tombera toute seule de l'arbre. Un peu comme une séparation de fait dans un ménage, avec tous les imprécis que cela comporte. Alors qu'il serait plus sain de régler ça devant un notaire.
A noter que toutes les tendances gauche-droite (sauf groen qui en Flandres représente peu ce chose) semblent désormais d'accord pour appliquer ce scénario.
Ca ne règle évidemment pas le problème de Bruxelles.
Qui aura la garde de l'enfant ?
Écrit par : Bob | vendredi, 19 juin 2009
Répondre à ce commentaireC'est joli, Leucolenos, mais je crois que vous n'amènerez pas plus 10 Flamands à faire tous le même chose que 10 Wallons. La preuve ? Regardez le paysage politique en Flandre, il est tout morcelé.
Écrit par : Marcel Sel | vendredi, 19 juin 2009
Répondre à ce commentaire@ leucolenos,
Bonne vision du probleme et belle demonstartion, merci.
Écrit par : Ben | mercredi, 12 mai 2010
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