mardi, 14 mai 2013

Wallah Destexhe contre "Dominique" Muslimonet. Tout n’est pas bon dans le cochon !

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Le dernier billet de blog d’Alain Destexhe (député «libéral» bruxellois) est, comme à l’habitude, bourré apparemment de bonnes intentions, mais dérape sur la fin. On y apprend en effet que ce libéral va chercher (certaines de) ses sources chez… Civitas. Quand on voit le genre de slogans que ces extrémistes catholiques diffusent, on se demande à quoi correspond la neutralité ou la laïcité chez l’intéressé.

 

Pourtant, le problème qu’il soulève est bien réel…


Tout a commencé par un reportage d’Emmanuelle Praet dans Le Soir Magazine. Il relate la vie difficile d’un enfant laïc de primaire dans une classe où 25 élèves sur 27 sont musulmans, apparemment très pratiquants. Le petit le dit tout net «pour moi, l’école, c’est l’enfer». Il interdit à sa maman de lui faire une tartine au jambon, ses congénères cracheraient dessus. Il lui reproche d’être trop maquillée et lui demande même de venir voilée à l’école, de ne pas arborer de décolleté. Quand les parents boivent du vin à table, l’enfant leur dit qu’ils iront en enfer. Un jour, le petit garçon aurait refusé de jurer sur le Coran, et se serait pris une beigne. Le voilà entre peur, syndrome de Stockholm et besoin impérieux de s’intégrer dans ce microcosme imbibé à la fois de coran radical et de superstition, où l’on vit une sorte de renvoi d’intolérance envers «l’autochtone». Là où la minorité se fait majorité, il y a comme une revanche exacerbée. Le délit de sale gueule brandit son miroir où il peut. Reste que ces enfants n’ont pas huit ans !

 

Suite à cet article (où manque la version de l’autorité scolaire, chère Emmanuelle), Alain Destexhe a interpellé la ministre de l’Éducation francophone, Marie-Dominique Simonet, au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sa réponse fut scandaleusement alambiquée. Dégagement de responsabilité, rien reçu de la maman, il faut voir ça avec l’autorité communale… de la belle langue de bois de croix, mais rien, absolument rien, sur le fond de la question : est-il tolérable qu’un enfant, de quelque religion ou philosophie qu’il soit, se voie dicter une manière de penser par ses congénères, au point d’imposer à ses parents athées ou non pratiquants des attitudes religieuses ? Et quand Alain Destexhe asséna à la ministre «vous refusez de voir la réalité en face», le socialiste Léon Walry lui répondit tout de go : «vous êtes un populiste, monsieur». 

 

Soit. Alain Destexhe est peut-être «un populiste». J’aurais plutôt dit «un opportuniste qui frise souvent le populisme». Mais le Parlement de la FWB n’est pas le lieu pour le dire, surtout quand on est ministre, surtout quand on vient, une seconde auparavant, de torcher le cul crasseux de la liberté scolaire bafouée avec un torchon imbibé de politiquement correct. C’est en laissant ce genre de situation perdurer, en ne tentant même pas d’agir ou de réagir qu’on laisse au contraire libre cours au populisme. Il n’y a pas une once de différence entre un élève qui se prend des beignes parce qu’il est musulman dans une école «blanche» (comme on dit en Flandre) et un élève discriminé parce qu’il ne l’est pas dans une école «coranisée» (comme le dit plus ou moins Emmanuelle Praet). Ça, c’est ce que Marie-Dominique Simonet n’a pas pigé. Et c’est avec les musulmans, et non contre eux, que l’on doit aborder le problème. Ça, c’est ce que Destexhe n’a pas compris.

 

Revenons un instant sur le «politiquement correct», un reproche que je me prends assez souvent. Dans «politiquement correct», il y a «politiquement». J’observe la politique, mais je n’en fais pas. Sur le plateau de Controverse (RTL-TVI) de la semaine passée où l’on parlait de l’affaire Trullemans, Demetrio Scagliola a lui aussi abordé le «politiquement correct» qui occulterait, selon lui, les problèmes. Je lui ai répondu que c’était aussi (surtout ?) parce que les politiques monopolisent ces débats au profit de leur succès électoral et les excluent de la société civile. Destexhe accuse Simonet qui accuse Destexhe. L’un pêche par ses amalgames, l’autre par ses dénis. Nous, citoyens, méritons mieux. Nous, citoyens, exigeons mieux que ces débats où la rigidité des uns s’oppose à la mollassonerie des autres. Destexhe nie les discriminations dont les «allochtones» sont victimes. Simonet nie les excès d’une éducation islamiste dans certains milieux. Pas un enfant ne doit subir ça, qu’il soit laïc, athée, chrétien, musulman, juif. Voilà la promesse de notre vivre-ensemble occidental. Et voilà aussi l’objectif que la classe politique a soigneusement occulté au bénéfice de débats partisans qui ne mènent absolument nulle part.

 

Bien sûr, la «solution», brandie ou du moins sous-entendue par les «anti-politiquement-correct» est aussi stupide que le déni : on n’a qu’à les foutre dehors, les renvoyer «chez eux» (autrement dit, en Belgique, dans la plupart des cas, ou alors, en Musulmanie, je suppose ?) Elle est à son tour d’une bien-pensance ordinaire, mais de droite : c’est tout bonnement impossible, inhumain, inacceptable, ce serait l’annihilation de ce qui constitue la civilisation européenne. S’il y a des bribes de solutions, elles sont dans la propagation, avec les imams, d’un jeu de règles claires. Liberté religieuse pour tous, mais dans le cadre privé. Rappeler que s’intégrer (pour autant qu’on puisse exiger ça d’un(e) citoyen(ne) belge) ne signifie pas changer ses us et coutumes, ni s’habiller d’une certaine façon, ni ôter le voile si on souhaite le porter, mais respecter la liberté de l’autre et transmettre à ses enfants ce fondement essentiel de notre coexistence : «tu peux bien détester ce que l’autre représente, tu n’as pas le droit de le lui faire sentir, encore moins de propager ta détestation». 

 

Cela, l’islam moderniste le porte en lui : la tolérance religieuse est l’une de ses valeurs. L’importation des prédicateurs «gratuits» venus du Koweït ou d’Arabie Saoudite a probablement été la pire erreur politique jamais commise par des gouvernants belges (mais même là, j’ai entendu des imams wahhabites affirmer qu’un bon musulman n’a pas le droit d’imposer sa religion à un autre). Nous la payerons encore pendant un temps certain. Mais pour la génération suivante, dès aujourd’hui, nous ne pouvons plus faire l’économie de cours de citoyenneté. C’est en expliquant aux enfants musulmans (ou chrétiens ou juifs ou laïcs ou bouddhistes) et à leurs parents les bonnes attitudes, la place de la religion dans la société, que nous nous donnons une chance d’ouverture et de respect mutuel. Il faut alors, pour être crédible, traiter toutes les religions de la même manière. Refuser d’accepter qu’un pape diffuse auprès de ses fidèles l’exigence de protéger juridiquement (et donc politiquement) le fœtus. Considérer les déclarations de Mgr Léonard sur l’homosexualité comme une infraction et non comme une déclaration dont on peut débattre, par exemple, à l’ULB. Faire respecter la Loi contre l’incitation à la haine de la même manière, que l’on soit d’extrême droite ou d’extrême islam. On ne peut pas mettre Belkacem en prison sans mettre les «blancs» qui ont appelé à la guerre contre les musulmans dans la cellule d’à côté ! On ne peut améliorer la citoyenneté des non-chrétiens si l’on ne comprend pas les travers qu’elle autorise «chez les autochtones» et dans «la religion autochtone».

 

Il y a de l’argent à dépenser dans une vaste campagne de communication à l’attention des musulmans. Il n’y a ni islamophobie ni racisme à reconnaître que certains courants islamiques posent problème jusque dans les cours d’école, au contraire, il y a islamophilie à affirmer que l’islam lui-même possède la solution à ces problèmes. Ne laissons pas Destexhe monopoliser ce débat crucial pour le vivre ensemble. Ne laissons pas Simonet le nier pour cause de clientélisme musulmaniste. Laissons la politique à ses jeux improductifs. Établissons les conditions d’une amitié entre religieux et laïcs. Rappelons que plus les uns et les autres respecteront la liberté d’autrui, plus les croyants seront libres de vivre leur foi, et les athées, de vivre leur incroyance.


Notes :
- dans son article, Alain Destexhe parle de "Dominique Simonet", que j'ai aveuglément copié dans un premier temps. Il s'agit bien sûr de Marie-Dominique Simonet. j'ai corrigé partout, sauf dans le titre… Alain n'avait qu'à ne pas se tromper.

- J'avais d'abord écrit que Marie-Dominique Simonet avait traité Destexhe de populiste, j'ai corrigé suite à la remarque du commentateur Rod. C'est Léon Walry et non Simonet.

14:18 Publié dans Rhumeurs | Lien permanent | Commentaires (10) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

Excellent texte. Une petite correction. Ce n'est pas Simonet qui a traité Destexhe de populiste mais Léon Walry (cf page 11 du compte rendu de la séance).
J'ajoute que selon moi la vraie réplique de Simonet ne valait guère mieux : "Votre groupe fait partie du pouvoir organisateur". Un renvoi aux responsabilités du MR fort habile, mais qui ne s'occupe pas du fond de l'affaire.

Écrit par : Rod | mardi, 14 mai 2013

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Merci, Rod. C'est corrigé.

Écrit par : Marcel Sel | mardi, 14 mai 2013

c'est clair que les enfants de ce type n'ont jamais été dans des écoles où les seuls non musulmans de la classe étaient un belge (congolais de peau), une moldave un turcs et une polonaise...

Écrit par : Uit'tZuiltje | mardi, 14 mai 2013

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D'accord avec ce que vous dites d'une manière générale, Marcel. J'ajouterais seulement que la vraie anomalie c'est l'existence d'une école peuplée de 95% d'allochtones (belges ou pas). On en revient à ce que j'appelle un peu crûment notre intégration "ratée". Nous avons créé des quartiers "ghetto" dans lesquels les autochtones ne se sentent plus bien. Je me demande bien comment nous allons régler ça...

Écrit par : serge | mardi, 14 mai 2013

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Que faire, justement, pour que ces ghettos, genre Molenbeek, disparaissent ? Déloger la plupart des gens qui y habitent ? Est-ce seulement envisageable ? Je connais d'ailleurs des habitants de Molenbeek, Marocains d'origine, qui souhaiteraient bien en partir mais n'ont tout simplement pas les moyens de s'établir ailleurs. Où du reste ils ne seraient pas forcément les bienvenus. Les quartiers « blancs » n'aiment pas les « arabes » et le leur font savoir. Le « Onder ons » est une maladie mentale qui ne règne pas seulement dans les ghettos de Molenbeek ou de Schaerbeek. Le racisme nourrit le racisme… J'avoue que je ne vois pas de solution et que je suis plus que pessimiste sur ce problème.

Écrit par : Franck Pastor | mardi, 14 mai 2013

Où on apprend que le Soir Illustré flirt avec l'extrême droite parce que repris par le site Civitas

Écrit par : detupp | mardi, 14 mai 2013

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't Zijn toch kapoentjes hé!

Pure kindermishandeling eigenlijk, kinderen op zo'n jonge leeftijd al brainwashen met zulke nonsens.

Godsdienst-"vrijheid" heet dat dan: De "vrijheid" om zijn/haar kinderen te indoctrineren met intolerante, xenofobe, gevaarlijke, onwetenschappelijke hocus-pocus.

Kan je je voorstellen hoe er in die families over ongesluierde vrouwen wordt gepraat? Een kind van 6 jaar verzint zoiets niet zelf.

Écrit par : thomas | mercredi, 15 mai 2013

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Excellent texte Marcel.
Rappelons que ceux qui désirent "les renvoyer chez eux" mais ailleurs qu'en Belgique pensent probablement à un retrait de la nationalité Belge... et oublient qu'avant d'être Belges, ils n'avaient pas d'autre nationalité (c'est évidement vrai pour énormément de jeunes "fils et filles d'immigrés" de deuxième, troisième etc... génération).
Franck Pastor a tout à fait raison en parlant des ghettos et de la maladie mentale "onderons" (marque déposée par le CD&V, non?) qui existe aussi dans pleins de communes flamandes même là où il n'y a pas un seul immigré.
Je suis partisan à 100% d'un cours de civisme dès l'école primaire et également d'un cours d'histoire des religions (qui se devrait d'être neutre) et de philo. Mais là, y a du boulot! Et dans certains quartier il devrait y avoir une option "civisme fort, politesse et respect des autres".
Malheureusement, sous prétexte que "si je suis musulman/chrétien chez moi, je ne le suis pas moins lorsque je sors de chez moi", les plus religieux (même non extrémiste) dérapent toujours un peu et finissent par emmerder les autres.
Je suis souvent effrayé par mon entourage qui est à mon sens, dans le plus pur des clichés, raciste. Et la presse ainsi que les textes de Destexhe alimentent souvent ce racisme assez primaire: "moi je suis un bon citoyens, je paie mes impôts, je ne casse pas de voiture, je ne vole pas et je ne profite pas de la sécu... mais si j'ai une amende de roulage, je serai poursuivi sans relâche jusqu'à ce que je la paye alors qu'eux -sous entendu les arabes qui ne foutent rien et qui profitent- ils peuvent voler et casser tant qu'ils veulent, ils ne sont jamais punis".
La NVA ne traite pas autrement les Wallons. N'est ce pas cela le populisme?

Écrit par : The BlackRat | mercredi, 15 mai 2013

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A liège, il y a aussi une sorte de guettos à Droixhe.
L'administration a prévu le démentellement des immeubles pour dans les années à venir.

Faut dire que c'était vraiment terrible de vivre dans ces grands immeubles les uns sur les autres avec toutes cette violence, drogue et j'en passe.

Mais est-ce une bonne chose ?

Écrit par : Celibataire | mercredi, 15 mai 2013

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La seule réponse possible aux comportements intolérants est la fermeté. Le rappel systématique à la norme sociétale. Et la sanction si nécessaire. C'est l'accumulation de ces petites choses qui provoquent des réactions comme celles de Trullemans. La mollesse de la classe politique vis-à-vis de ces incivilités fait le lit des populistes.

Et, effectivement, d'accord avec vous que c'est une question d'éducation parentale. Mais je ne partage pas votre avis qu'il faille impliquer des imams là dedans. Il me semble illusoire d'escompter qu'ils demandent de respecter des athées, alors que l'apostasie constitue un crime dans leurs valeurs. Cet islam tolérant dont vous parlez, je l'ai rencontré à Bruxelles il y a 30 ans, mais plus de nos jours.

Écrit par : Patrick | jeudi, 16 mai 2013

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