samedi, 15 mars 2014

Les flèches du désamour. Quand la politique s'empare du sport.

Capture d’écran 2014-03-15 à 12.55.34.pngBraîne l’Alleud. Dimanche 16 février 2014. Le championnat de Belgique de tir à l’arc indoor est annulé suite à un appel à la « résistance » d’un arbitre flamand. Ce trublion n’a rien trouvé de mieux que de se placer entre les tireurs et les cibles, invitant les participants flamands à faire de même, pour faire arrêter la compétition dont il contestait l’organisation. Un acte fou de la part d’un arbitre : les flèches de compétition sont potentiellement mortelles… Le ton est alors monté au point qu’on appela la police pour éviter un remake de la prise de Nottingham par Robin des Bois.  La veille déjà, le championnat junior dérapait suite au mécontentement «d’une minorité de Flamands», nous enseigne L’Avenir, un tantinet partial…


Ce samedi, donc, les enfants et les ados participaient au championnat des jeunes. En principe, on s’arrange pour que ces épreuves ne s’éternisent pas. Les gosses ont besoin de sommeil. Or, le retard invraisemblable — plus de trois heures — pris dès le midi par le club organisateur — Les Archers du Grand Serment de Saint-Sébastien Braine-l’Alleud ; mais dites ABA, c’est plus court — risquait d’éterniser la compétition, jusqu’à 22-23h, heure à laquelle les jeunes compétiteurs pouvaient enfin rentrer, avec leur famille, parfois à plus de 100 km de là. On comprend du coup que les relations entre les membres du club wallon et de nombreux parents,  néerlandophones, mais aussi francophones, furent houleuses. Le club, lui, incrimina derechef une dizaine de «Flamands» qui se seraient inscrits «à la dernière minute». C’est la version retenue par l’Avenir qui n’a visiblement pas contacté la ligue flamande. Pourtant, même à la ligue francophone, on reconnaît que l’irritation des parents était fondée : l’ABA a utilisé deux adresses mail dont une ne fonctionnait pas bien. «Il n’y a aucune mauvaise foi côté flamand», souligne-t-on même au secrétariat de la ligue francophone. L’ABA a bel et bien fait preuve d’amateurisme dans l’organisation de la compétition. Si là n’est pas la cause de la «révolte flamande» du lendemain, ça n’a certainement pas aidé.

Il est d’ailleurs très intéressant de se pencher un peu sur les interprétations des uns et des autres, selon leur langue maternelle. Une des causes de la querelle (loin d’être la seule) du dimanche est tragi-comique. Il s’agit de la couleur des pantalons. Le règlement national interdit notamment les «jeans», sans autre précision. Pour les Francophones, c’est un pantalon de toile Denim, donc bleu. Pour les Flamands, c’est un pantalon de toile tout court. Or, certains francophones portaient un «jean» beige, la couleur de leur club. Du coup, l’arbitre qui ne l’interdit pas fait du favoritisme francophone pour les Flamands, et celui qui l’interdit fait du favoritisme flamand pour les Francophones. 

Mais la vraie raison de la querelle du dimanche serait carrément politique. Certains des Néerlandophones auraient profité de l’amateurisme de l’ABA pour mener une véritable campagne communautaire. Un nombre limité de Flamands «à droite de la droite…», nous dit-on côté francophone, trouverait que la ligue flamande ne serait pas assez… flamande. La direction de la Handboogliga a en effet des relations très amicales avec celle de la Ligue francophone belge de Tir à L’Arc. Et les deux ligues siègent à parité (50/50) à la fédération belge. Certains Wallons pensent que les « nationalistes sportifs » néerlandophones voudraient le 60/40. La ligue flamande se demande « d’où ils sortent ce chiffre ». Une bisbille qui rappelle qu’en mars 2013, la Fédération de Gymnastique flamande avait aussi demandé le 60/40 (au lieu du 50/50) pour les membres du jury du Championnat de Belgique de gymnastique rythmique. Mécontente de cette répartition « politique », la délégation francophone avait alors quitté les lieux et le championnat fut annulé. Il faut savoir qu’en gymnastique rythmique, la note donnée par chaque juge est extrêmement subjective. De là à penser que les juges flamands vont forcément privilégier les Flamands, il n’y a qu’un pas que certains franchissent allègrement. Dans ce pays, on serait forcément flamand ou wallon avant d’être un bon ou un mauvais juge ? Une vieille maladie apparemment incurable. Le problème, c’est que là aussi, la presse francophone avait publié la seule version de la délégation francophone, alimentant une impression de harcèlement politique dans le sport de la part des Flamands. Pourtant, les arguments de la Gymnastiek Federatie sont loin d’être négligeables : en fait, il y avait très peu de gymnastes francophones au championnat junior incriminé, et aucun (oui, aucun !) chez les adultes ! Une répartition 60/40 semblait être un très bon compromis et il n’avait rien de «politique». Depuis, les deux ligues ont trouvé la solution : pendant deux ans, on continue sur le 50/50, ce qui montre que la fédération flamande n’a rien d’extrémiste, le temps de mettre en place un système permettant de choisir, tout simplement, les jurés les plus compétents, indépendamment de leur langue ! 

C’est presque incroyable en Belgique. Rendez-vous compte : désigner les gens en vertu de leur compétence plutôt que de leur langue ! In-croy-a-ble !

Mais revenons à nos carquois. Léon Lejeune, secrétaire administratif de la Ligue francophone est dépité : « c’est hélas à l’image de ce qui se passe en Belgique, les élections approchent… ». Il comprend néanmoins la différence de mentalité. En Flandre, le Bloso (équivalent de l’ADEPS) est très branché performance. Les clubs doivent se distinguer pour espérer de bons subsides. En Communauté française, les résultats passent après la participation. Ça joue sur les deux mentalités et pour un participant flamand, les enjeux seront forcément plus crispants que pour un francophone. Il n’empêche. Une minorité d’archers flamands — et certains clubs — ont introduit le flamingantisme et le nationalisme dans un sport en principe de gentlemen. Ça, les deux ligues le reconnaissent. Si Léon Lejeune est désolé, il ne se fait pas d’illusion sur son «propre camp linguistique», glissant en confidence qu’il y a aussi des mauvais coucheurs côté wallon, mais qu’ils « n’ont pas encore trouvé les moyens d’agir ». Johan Steylaerts, vice-président de la ligue flamande, est au même diapason. Il n’hésite pas à qualifier ceux qui confondent sport et politique « d’usurpateurs ». 

 

Au final, on déplore la démission immédiate du président de la ligue flamande. Les deux présidents ont également démissionné de la fédération nationale. Et une plainte a été déposée à Nivelles pour incitation à l’émeute, et pour… xénophobie. Certains Francophones se sont en effet sentis offensés ! Comme quoi l’excès de fierté n’est pas une exclusivité flamande. Il est simplement mieux utilisé au Nord par certains acteurs politiques. Mais si demain, un parti nationaliste wallon devait offrir un leader charismatique et un programme économique irrésistible, tout indique que le virus infecterait rapidement des clubs sportifs — ben oui, si des Francophones confondent bagarre (pas très) sportive et «xénophobie»… Et visiblement, certains journalistes sont déjà fin prêts pour ne diffuser que la version francophone, faute de prendre la peine de donner un petit coup de fil de l’autre côté de cette satanée frontière linguistique qui n’est un mur que pour ceux qui le veulent bien. Au Nord comme au Sud.

Version étendue dubillet éponyme paru dans Marianne Belgique.

12:58 Publié dans Humeurs brèves, Humeurs du Nord, M… Belgique | Lien permanent | Commentaires (11) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

Dans le foot il y a un règle qui dit que lors d'un match international (tant au niveau des sélections nationales qu'à celui des clubs), le ref ne peut pas venir d'un des deux pays concernés, pour éviter le risque de partialité.

Donc ça doit être un phénomène mondial et pas uniquement belge, que dans les sports les humains aient une prédilection pour les ressorissants de leur propre pays, région, "nation", etc.

Les origines etniques de ces ressortissants n'ont d'ailleurs aucune importance. Ce qui importe c'est que c'est "quelqu'un de chez nous"

Écrit par : thomas | samedi, 15 mars 2014

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Consommation est pulsion. La pulsion est anti-sociale
La pulsion est extrêmement autocentrée (égocentrée), égoïste, et donc, elle est voleuse, elle est criminelle, elle est violeuse, elle est dangereuse pour la société

Sport marchandisé- business du spectacle.
La marchandisation généralisée, n'est autre qu'une "prolétarisation généralisée", un "crétinisme généralisé".
Il s'agit seulement de pérenniser les nouvelles formes d’asservissement et de sujétion.

Public captif et dominés militants de leur domination.

Il est légitime de questionner à quel point la crise est réelle. Souvenez-vous de cela quand les délinquants dans les rues agiront de façon clairement dessinée pour provoquer la peur. (voir police belge à Bxl entre autres mais pas que là)
Souvenez-vous de cela lorsque le "Reichstag" brûlera.

Max Weber, dans son livre Sociologie du pouvoir, différencie deux concepts étroitement reliés : Macht (puissance) et Herrschaft (domination).

La puissance (Macht) est la capacité d’imposer la volonté d’une personne à une autre, quelle que soit la modalité utilisée à cette fin, à commencer par l’usage de la force pour vaincre l’opposition de l’autre.

Le pouvoir (Herrschaft), en revanche, est une relation d’autorité-obéissance dans laquelle il existe un déclencheur de l’obéissance.
Il caractérise une relation de pouvoir dans laquelle il entre une volonté ou un intérêt minimum, psychologique ou matériel, à obéir.

La Belgique toutes régions, tous médias, tout... n'est que vaste trompe-l’œil organisé sciemment.

On y pratique l’art de gouverner comme une pure extension des techniques d’ingénierie sociale, elles-mêmes développées à partir des sciences du comportement et leurs diverses applications (marketing, management, cybernétique...)

La politique est donc, pour dire les choses simplement, devenue en pratique une technique du contrôle social – cela, et cela seulement.

Il faut donc que les dominés aient préalablement régressé intellectuellement.
Il faut qu’on leur ait ôté toute forme de capacité intellectuelle rationnelle.

Cette destruction des capacités d’autonomie des dominés passe par l’abolition des frontières de leur être, individuel et/ou collectif.
C'est une entreprise de destruction de toute forme d’autonomie personnelle.

Le "globalitarisme" s'exprime par les comportements "égo-grégaires"
(d'où ethnicité, repli raciste, fétus non-nés et demeurant dans un utérus nationaliste, cramponnés à leur étroit terroir, adhésion par la croyance, émotion enragée, etc...) (voir flandre mais pas que...)

Pour détruire toute forme d’intersubjectivité et réduire le comportement des foules à leur conditionnement, il importe au pouvoir, avant toutes choses, de détruire le lien entre le réel et la raison.

Le Capitalisme pulsionnel qui fonctionne sur la base de la pulsion, développe un populisme industriel, c’est-à-dire exploite systématiquement ce qui court-circuite la réflexion, ce qui court-circuite l’éducation, ce qui court-circuite l’investissement.

Une réussite parfaite et éclatante, ici aussi. Goaaaal!

Écrit par : Démocrate | samedi, 15 mars 2014

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Très belle analyse déjà parcourue dans Marianne suite à votre conseil ;-)
Si tout le monde est d'accord sur le fait que rien n'est blanc ou noir mais plutôt une grande zone d'ombre... La triste réalité est là ! Pour rappel près de 50% des flamands votent pour des partis nationalistes. Et lorsque que l'on sait que des flamands considèrent sans doute très sérieusement des Van Rompuy comme étant non flamingants... Faut pas demander !
Le reste n'est qu'une conséquence somme toute assez logique et qui va encore aller en s'aggravant (là ou c'est encore possible car que reste t' il encore à prendre ?).

Écrit par : Philippe | samedi, 15 mars 2014

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Euh non, Philippe, selon les derniers sondages, il y aurait 40-42 % d'intentions de votes nationalistes et encore, la plupart le font d'abord pour des raisons économiques un peu égoïstes et régionaliste il est vrai. Mais la Wallonie ne manque pas de régionalistes et Bruxelles non plus. Il est bon de critiquer la mythologie flamande entretenue par le gouvernement flamand mais de là à mettre la moitié des Flamands dans le même sac, non!

Écrit par : | samedi, 15 mars 2014

Désespéré au point de devoir oser une comparaison hasardeuse avec la Fédération Wallonie Bruxelles ? Non Samedi, sauf à prendre les flamands pour des crétins, ce que je n'ai jamais fait, il y en a bien près de 50% votent pour des partis nationalistes !
Et si l'on prend en compte les tendance con fédéralistes des autres partis en Flandre, ce n'est plus un problème de mathématique mais bien de mauvaise foi ou pire, de naïveté ...

Écrit par : Philippe | samedi, 15 mars 2014

Hier, Samedi s'appellait Vendredi. ;)

Écrit par : schoonaarde | dimanche, 16 mars 2014

Très bon...Lundi ! ;-)

Écrit par : Philippe | dimanche, 16 mars 2014

Et dire qu'il n'y a aucune perspective de sortir de tout ça...

Ancien régime oblige...

Écrit par : moinsqueparfaitduconjonctif | samedi, 15 mars 2014

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Robin des bois!

Ca y est ça me revient!

C'est lui qui a détourné l'avion malaisien avec des écoutes dans les buissons qui a fait demi-tour vers la Crimée chatiment, et il a circulé alternativement dans le smog pour éviter les radars pandas.

Que j'aime ce garçon!

Écrit par : Salade | samedi, 15 mars 2014

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Ou bien on se rend compte enfin que le belgium est devenu une vue de l' esprit dépassée, ou bien on s' habitue à ce genre de connerie ethno-linguistique voire plus sans doute un jour...

Écrit par : pierre@s | dimanche, 16 mars 2014

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le lion de la butte de braine-l'alleud:

l'arc brisé en plein cintre, par la brute de braine
lorsque l'Art bat les triés...
lorsque le flamant reprend son vol (rose et blanc)

Écrit par : uit't zuiltje | mardi, 18 mars 2014

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