mardi, 28 mai 2013

L’Administration communale d’Uccle, une filiation radioactive

Dans le cadre des Humeurs invitées, voici un billet de Melokotone, citoyenne d'un pays de l'UE, née en Belgique. Elle parle de cette étrange propension de certaines administrations communales bruxelloises à faire sentir aux étrangers nés en Belgique qu'ils ne sont que des étrangers. Un ressenti, une blessure. Est-ce normal dans la "capitale" de l'UE ? À vous de voir !

Imaginez qu’à votre naissance dans un pays étranger, mais ça vous l’ignorez encore, par les règles de filiation de votre pays de nationalité et le choix de vos parents, on vous nomme Marie-Hélène Dupont Richard.

Les services de population, eux, inscrivent une certaine Mary-Ellen Dupont-Charles.

Imaginez qu’à l’école on vous appelle Mary-Ellen, sans que cela ne vous choque jamais, et que deux mois par an vous vous prénommez Marie-Hélène.

Imaginez qu’adolescent, sur la route des vacances vers votre pays d’origine, exceptionnellement, les gardes-frontières vous demandent votre passeport ET votre document d’identité belge.

Je vous promets des explications embarrassantes et l’apparition dans votre tête d’une bulle affichant en gras : « Mais dans quel pays de sauvages est-ce que je vis ? » 

 


Imaginez à présent qu’en apprenant la mise en œuvre de l’administration électronique, vous vous précipitez à la maison communale (une fois n’est pas coutume) pour faire la demande de votre nouvelle « carte d’identité » nécessaire à l’accès à ladite administration, conçue pour simplifier la gestion de votre activité professionnelle, et découvrez, une fois au bureau, muni de la « carte d’identité » et du lecteur de cartes, que le logiciel refuse vos données en raison, vous le découvrez après investigation, d’une incompatibilité générale du logiciel avec les documents d’identité de non-belges.

Imaginez que chaque visite à la maison communale est une épreuve ubuesque, tant les formes du préjudice sont variées, inattendues et déstabilisantes, invalidant toute réponse autre que l’emportement.

Imaginez qu’à quelques jours de votre déménagement vous téléphonez à l’administration de votre commune, celle où vous êtes né, celle dans laquelle vous avez vécu le plus clair de votre temps, pour savoir s’il est possible de faire coïncider le renouvellement de la carte d’identité arrivée à expiration et l’inscription dans la nouvelle commune, et on vous répond, très correctement, que techniquement nous n’êtes pas titulaire d’une carte d’identité.

Imaginez que lors de la même conversation, aussi correcte et pénible que bien d’autres précédemment, l’employé communal vous apprend que, en effet, les Belges sont informés de l’arrivée à expiration de leur carte mais pas les étrangers.

Imaginez, la coupe déjà bien pleine, que lorsque vous vous présentez à votre nouvelle maison communale, l’employée vous dit que l’Administration d’Uccle vous a délivré le document d’identité réservé aux étrangers arrivés récemment sur le territoire belge. Que vous avez droit à un titre de séjour (une carte E+) et que vous avez reçu une attestation d’enregistrement (une carte E).

Imaginez enfin (enfin, parce que vous finissez par saisir le médiateur fédéral) que lorsque vous dénoncez les pratiques xénophobes de l’Administration communale d’Uccle, on vous rétorque, scandalisé, que vous — dans l’ordre — imaginez des choses, exagérez, auriez dû faire la demande du document adéquat.

Déni de discrimination. En effet, ailleurs, dans d’autres communes, d’autres étrangers reçoivent leur titre de séjour sans avoir à le réclamer.

Vous entendrez aussi, et parfois de la même bouche, des conseils de naturalisation. Pourquoi vous ne prenez pas la nationalité belge ?

Déni de déni. Pourquoi devrais-je prendre la nationalité d’un pays qui cherche constamment à me désintégrer ?

« Vous allez les emmerder, ces cons. Lorsque, impressionnés par l’événement, ils iront chez vous déclarer leurs nouveaux nés, vous les inscrirez n’importe comment leurs rejetons ; vous allez nous les arranger leurs noms de bougnoules. »

« Quand ils vous parleront de carte d’identité, vous leur rappellerez que ce n’est pas une carte d’identité qu’ils ont, des fois qu’ils oublieraient qu’on les tolère ici. »

« Chaque fois que l’un d’eux posera une question, vous leur répondrez que pour les Belges cette alternative existe mais pas pour eux. Ça énerve bien, ça. »

« Et s’ils sont distraits, trop détachés ou trop dégoûtés pour connaître la législation, vous en profiterez pour leur refiler moins que ce à quoi ils ont droit. »

« Et quand des Belges voudront les épouser, vous allez les emmerder grave ces inconscients, histoire qu’ils se demandent si le jeu en vaut vraiment la chandelle ou, du moins, qu’ils comprennent bien dans quelle galère ils s’embarquent. Jusqu’à ce qu’ils vous réclament les frais du mariage, alors là vous vous exécuterez. Faudrait pas que ça nous coûte de l’argent non plus. »

Je m’affiche radicale l’espace de ces quelques guillemets qui recréent, avec intention, des épisodes ucclois vécus par moi ou par des proches. L'intention est celle que je prête aux responsables d'une chaîne de situations anormales trop longue pour ne pas y voir une volonté de discrimination. À cette échelle, je ne crois pas à l’incompétence du personnel communal. En revanche, le pouvoir politique m’apparaît comme un client convaincant. 

Dans quel but ? Par relent de souveraineté nationale du pays qui accueille l’essentiel des institutions de la UE ? Il semble d’ailleurs que le patriotisme outré de certains face aux accusations de xénophobie lui fasse écho.

God knows. Et finalement peu m’importe. Je souhaite m’adresser à l’administration en paix.

Je pratique l'Administration fiscale (fédérale) depuis 23 ans et, hormis les incidences liées au déroulement de mon activité professionnelle, je n'ai vécu qu'un seul incident : l'incompatibilité du logiciel de lecture utilisé pour l'administration électronique avec les données des cartes d’étrangers. Cette situation a depuis lors été corrigée.

À l'inverse, chaque visite à la maison communale est une épreuve, à tel point que je me surprends à franchir le pas de la porte les poings serrés et à m'emporter à la première offense imaginaire, comme ce fut le cas il y a quelques jours lors de ma première visite à la maison communale de Rhode-Saint-Genèse.

Cette réalité existe aussi dans d'autres communes mais j'ai préféré contextualiser des épisodes ucclois.

Et pourtant, ailleurs, dans une autre commune, mon frère s'est lui aussi emporté il y a quelques années, à la suite d'un contrôle de police de routine. Son document d'identité ayant expiré, on lui a demandé de soumettre une nouvelle demande de séjour. Sa colère a été si grande et son courrier de protestation si long et si bien argumenté qu'un employé de l’administration communale l'a contacté quelques jours plus tard pour l'informer que la commune renonçait à cette procédure.

Il faut bien se rendre compte que nous sommes nés dans ce pays, que d’autres sont arrivés il y a belle lurette, que les enfants sont belges pour la plupart et que, parmi nos compagnons, nos compagnes et nos amis, nous vivons aussi avec des Belges.

Apprendre au lendemain de mon déménagement, en première visite à ma nouvelle maison communale, qu'en plus de tout le reste ma commune de naissance s'est foutue de ma gueule en m’accordant un document de troisième catégorie a provoqué en moi un mélange de colère et de déception difficile à décrire.

J’ai hésité à publier ce texte. Écrire au médiateur fédéral est facile ; il ne s'intéresse qu'aux faits, il veut de la matière de droit. En revanche, évoquer une situation dont la critique va susciter des réactions scandalisées par les accusations de xénophobie n’est pas chose facile, sachant qu’on glisse à nouveau sur le terrain de la légitimité.

Parce que c'est bien de légitimité dont il s'agit. Il n’est pourtant pas raisonnable d’exiger de quelqu’un qu’il apporte sans cesse la preuve de sa légitimité ni qu’il se batte pour la réclamer.

Cette réalité existe et elle est partagée par de nombreuses personnes. La nier ne fait qu’aggraver le préjudice.

J’ai deux amours, mon pays et Paris. Et comme moi, bien d’autres. Get over it.

« Vous ne voulez pas qu’on demande la rectification de votre nom et de votre prénom ? Non, non, ça ne vous coûtera rien, puisqu’il s’agit de votre véritable identité. Ça risque de prendre six mois ou un an — votre demande doit passer devant le Parquet —, mais ça vaut la peine, non ? Je m’en occupe ? » (Une employée de la Maison communale de Rhode-Saint-Genèse.)

14:14 Publié dans Humeurs invitées | Lien permanent | Commentaires (5) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

@Melokotone

j'essaye de comprendre, je ne comprends pas comment des parents (j'habitais moi-même à l'"étranger" dans mon enfance) laissent leur enfant avec un problème de (pré)nom... un de mes fils né à cavell m'a obligé à avoir affaire à l'administration communale d'uccle, j'ai pas mal de trucs défectueux à dire, mais je ne me reconnaîs en rien dans ce que vous décrivez, problèmes de patronyme? haine de l'étranger? des Français(vu votre nom)? problème d'identité et des papiers qui vont avec?

à propos de rhode-st-genèse (ma commune où je n'ai perso vraiment rien à reprocher au personnel communal)je ne comprends pas non plus de quoi il s'agit...

Écrit par : Uit'tZuiltje | mardi, 28 mai 2013

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lus généralement, ce texte est fort cconfus, et, à vrai dire, incompréhensible...

Écrit par : Jester | mercredi, 29 mai 2013

je ne suis pas sur qu'il s'agisse d'un problème d'étranger, mais plutôt d'incompétence ou de laisser-aller de la part de certains membres du personnel (ceux qu'on ne voit pas et qui prennent les décisions loin des "clients")....ainsi que de la bêtise des informaticiens qui n'ont pas prévu dans leurs logiciel de cas particuliers
je raconte ma petite histoire: j'ai déménagé ET perdu mon portefeuille, en même temps.....j'ai donc fait à la fois, une demande de changement d'adresse à la commune, une déclaration de perte de carte à la police, et une demande de nouvelle carte maestro à la banque....ça a l'air simple et ce ne l'est pas du tout....commençons par la banque: pas de carte de banque sans carte d'identité, point à la ligne.....heureusement mon home-banking ne réclame pas de carte, sinon j'étais foutu
la commune et la police....ah là on a tourné en rond pendant longtemps....non c'est d'abord votre ancienne commune qui....non tout doit se faire à la nouvelle.....mais allez voir le commissariat d'avant.....pourquoi ne demandez vous pas à la commune.....bref: Raymond Devos et son sketch du rond point, je suis arrivé jusqu'à l'ambulance!
je ne critique pas la gentillesse des fonctionnaires à qui j'ai eu à faire au contraire tous se sentaient vraiment concernés par le problème....mais ni l'informatique, ni les responsables cachés dans leurs bureau ne voulaient céder....euh, non pas tous : la directrice de mon agence C***bank à Fl**rus fut plus qu'odieuse, mais bon, il y a de la concurrence là.

voilà, ça a duré quatre mois....quatre mois sans papiers, sans argent liquide ; bon bien sur on s'arrange avec des virements sur le compte de connaissances qui vous remboursent en liquide, mais imaginez un contrôle fiscal ou une enquête judiciaire en prime.....ça peut aller très loin finalement.

Écrit par : Jips | mercredi, 29 mai 2013

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J'avoue n'avoir rien compris moi non plus de ce texte. J'ai bien compris que les visites de cette dame à son administration communale sont des épreuves. C'est malheureusement le sort de nombre d'entre nous. Elle met cela sur le compte de la "xénophobie", ce que la majorité d'entre nous ne peuvent évidemment pas faire, mais qui me semble une accusation exceptionnellement grave pour des reproches aussi peu clairs.
Mme Marie-Hélène Dupont Richard (ou serait-ce Mary-Ellen Dupont-Charles?), dites-nous clairement où est votre problème, si vous voulez qu'on compatisse! En particulier, avant de nous reprocher "des réactions scandalisées par les accusations de xénophobie", expliquez-nous en quoi il s'agit de xénophobie...

Écrit par : Hucbald | mercredi, 29 mai 2013

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Madame


Je suis votre témoin j’aurais été victime seulement parce que j’étais au Cpas de jette après je suis sorti de jette, donc j'ai été 3 mois sans adresse comme cohabitant chez un ami dont le bourgmestre de jette fait une radiation pour l'étranger sous faux et suage de faux et écrit sur le registre d'attente de la population pour éviter d'accepter mon inscription d'adresse car je suis un étudiant de l'UE et je vais être une charge pour leurs Cpas.

Je suis allé à Uccle et ils ont m'arnaqué et n'ont pas m'inscrit, l'échevin sax est le plus raciste et xénophobe, je dois préparer un contentieux envers eux.

Je suis disponible pour aller avec vous aux tribunaux l'union fait la force...

Faite plainte auprès du centre d’égalité, aussi service de la citoyenneté de l’UE auprès de la commission de l’UE etc, aussi.

Mon email nnx@contactoffice.ch

Merci

Écrit par : gonzales | lundi, 16 septembre 2013

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