vendredi, 12 juin 2009

Rhumeur payante

Depuis quelques jours, des annonces ponctuelles venues d'un peu partout nous préviennent de l'imminence d'une terrible pandémie de grippe « aviaire porcine mexicaine », un mélange détonnant de la grippe meurtrière de Hong-Kong, de celle, dégueulasse, du porc et d'un virus probablement mortel, puisque tiré de bout de tromblon par un Mexicain basané, Pancho Villa ou Zapata. Tout-à-coup, Novartis annonce un vaccin salvateur…


Malgré ce pedigree des plus repoussants et inquiétants, A (H1N1) serait apparemment une grippe plutôt innocente que la plupart d'entre nous verront passer comme un rhume passe, à savoir sans dommage autre que des raideurs, une grosse fatigue, un thermomètre dans la bouche ou dans le cul selon les usages locaux et, pour les hommes, une épouse qui passe de temps en temps dans la chambre, le temps de se moquer de la fragilité des organismes du sexe dit « fort ».

La grippe A (H1N1) tue, certes. Toutes les grippes tuent. La chaleur aussi, tue. Et l'automobile. Et l'aviation. Rouler à vélo dans Paris ou Bruxelles, ça tue itou. Pour vous dire : même vivre, je trouve ça tuant. Mais voilà, dans le cas de la grippe, la mortalité peut devenir un argument très intéressant. Je parle de commerce. Et je suis frappé par l'enchaînement rapide d'une série d'articles dans les journaux sérieux avertissant que la grippe des poulets cochons et zavatistes ne sera pas, comme on nous l'avait laissé espérer il y a un mois, innocente, mais qu'il s'agira d'une pandémie catastrophique. Monstrueuse. Epouvantable. Peut-être même la fin de l'humanité (ce qui permettrait tout de même à la race humaine de ne pas vivre l'inévitable collision avec — ou plutôt contre – la planète Mars, épouvantable perspective que nous a récemment imposée le magazine plutôt sérieux Nature pour nous faire encore plus peur que le noir à cinq ans — je ne dors d'ailleurs plus qu'avec la lumière depuis).

Un vaccin qui vient à point.
Rassurez-vous, dormez tranquille, et surtout, allez voir votre médecin de famille : Novartis lancera bientôt le vaccin contre H1 N1 qui sauvera Homo-sapiens-sapiens (c'est nous, ça) de l'anéantissement définitif, et vous pourrez ainsi tranquillement mourir, un jour, d'autre chose. Dans ce cas particulier, nous vivons dans un monde parfait où le bonheur des uns (vous, bientôt sauvé de la cochonceté gallinasse zavatiste) fait le bonheur des autres (Novartis, prêt à vendre 7 milliards de doses de vaccin pour une maladie apparemment peu meurtrière alors qu'on attend toujours quelque chose d'efficace et de pas trop cher pour le Sida et le paludisme).

Bizarre enchaînement.
Je suis quand même scié par la beauté de la science. Il y a deux mois, un petit garçon mexicain (qu'on a retrouvé en pleine forme) tombait malade. Grippe. Et contaminait tout un village (méchant garçon !), puis tout Mexico. On annonça plus de cent morts en une seule nuit. Puis vingt. Puis six ou sept. Du virus Ebola, on passait en quelques semaines à la grippe de pépé. Pas grave, le mal était déjà disséminé sur la planète. Je ne parle pas du mal grippal, mais du mal médiatique : tout le monde eut peur de A(H1N1). Mais quel flair, ces scientifiques, quand même ! La seule et unique pandémie potentielle détectée cette année dans un petit village mexicain est en train de devenir officiellement la vraie, la totale, la mondiale. Comprenez-moi, je me pose deux questions :

a. combien y a-t-il de chances de détecter une future pandémie dans le monde au moment où une grosse centaine de personnes sont infectées par un virus ?

b. combien rapportera le vaccin à Novartis ?

Manipulations frénétiques ?
Bon, ça va. Je ne vais pas dire qu'on nous manipule. Mais quand même, cette grippe arrange beaucoup de monde. Pour le moins, elle est mise à profit à des fins politiques (nous avoir mis en alerte 5 virale en pleine crise bancaire, c'était pas mal comme diversion) et commerciale. Qu'on nous protège, tant mieux, c'est bien. Vive le pharmaceutique qui nous fait vivre (et consommer) plus ! Sincèrement ! Vive Pfizer, Novartis, BMS et même Coca-Cola (qui guérit les ventres de nos enfants pourvu qu'on enlève les bulles).

Pourtant, là, entre les articles de la semaine passée sur la pandémie qui s'avertit et l'annonce du merveilleux antidote, le vaccin de Novartis, j'ai vraiment du mal à ne pas voir un lien. Je n'aurais pas dû travailler dans le marketing dans mon jeune temps. Ça m'a enlevé des illusions. Ô que j'aurais aimé croire, à sang pour sang, que la science fût aujourd'hui capable de détecter un virus naissant à la première infection, sur sept milliards d'êtres, et de trouver, en moins d'un an, l'antidote absolu. Payant. Avec un marché potentiel de plusieurs milliards d'individus !

Tiens, si on rêvait un peu : ce qui serait pas mal, c'est qu'au terme de la campagne d'incitation à la vaccination, une partie de cette manne revienne à titre de droit d'auteur au pays qui aura permis, malgré lui, de plantureux bénéfices. Y viva Zavata !

 

© Marcel Sel 2009. Tous droits réservés pour le monde entier. Reproduction interdite sans accord écrit de l'auteur.

12:50 Publié dans Humeurs d'Ailleurs | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

Bel article, j'ai vraiment apprécié la lecture de votre post. Thnaks pour le partage.

Écrit par : Bet365 | jeudi, 16 juin 2011

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