mercredi, 11 mai 2011

La matraque.

Ricardo voulait aller voir un concert au festival Steenrock, qui a lieu devant le centre de détention 127 bis, à l'attention des personnes qui y sont enfermées. Il s'est retrouvé à l'hôpital après avoir été battu à coups de matraque par un policier. Ricardo affirme qu'il n'a pas opposé de résistance et qu'il n'a lui-même pas attaqué physiquement le policier avant la dégelée qu'il a prise. Je n'ai pas l'habitude de transmettre des témoignages unilatéraux, mais celui-ci me semble plutôt crédible. Je le diffuse donc sous réserves, ainsi que dans la suite, le communiqué de la CRER qui organise le festival, sous toutes réserves aussi.


Communiqué de la CRER :
Faites de la musique, pas des centres fermés : les exactions des autorités


Un après-midi de concerts devant le centre fermé 127bis ? Voilà une idée forte et belle pour montrer de manière pacifique le désaccord de quelque 500 citoyens contre l’existence de ces lieux de détention. Et pourtant, le résultat est désemparant. Les détenus auraient été privés par la direction du centre de la liberté la plus fondamentale, celle de parole. Et sur le chemin vers les concerts, un jeune homme s’est fait violemment agresser par un policier suite à une altercation verbale. Son visage est détruit, il ne mangera ni ne parlera plus normalement avant des semaines…  Le Steenrock a toujours été annoncé comme un après-midi  pacifique et solidaire. La musique serait-elle une arme trop effrayante pour les autorités ?

 

 Samedi 7 mai s’est donc déroulée la deuxième édition du SteenRock, festival de musique devant le centre de détention 127 bis. L’objectif de cet après-midi de concerts est triple: attirer le regard des gens, des médias et des politiques sur ces lieux que l’on voudrait nous faire oublier, offrir aux sans papiers un chant de solidarité et quelques notes d’espoir, et enfin montrer qu’une manifestation peut être ferme mais pacifique


 On aurait pu dresser un bilan positif : plus de 500 personnes, une ambiance pacifique, des émotions fortes devant les grilles, de nombreux  « primo-visiteurs », des discours justes et de la musique à n’en plus finir.  Seul étonnement, l’absence de détenus aux fenêtres et le calme apparent des quelques femmes dans la cour. En général, les « freedom », « help me », « it is a prison »… de détresse des prisonniers font plutôt froid dans le dos. 

 
Vers 21h00, sur le départ, on nous fait part du jeu cynique de la direction du centre : ordre aurait en fait été donné aux détenus de ne pas s’exprimer, de se taire, en les menaçant de les enfermer en cellule d’isolement s’ils n’obéissaient pas. De plus, l’accès aux cellules donnant sur le champ et les concerts aurait été bloqué pour la journée. L’information nous revient par le cousin d’un détenu. Cela explique l’étonnement qui nous hantait et nous pousse à croire également la deuxième partie de son récit : lors des visites des parlementaires, le personnel du centre aurait bien pris soin de retirer les menottes, de cacher les « outils » tels que les gaz lacrymogènes, d’adoucir le ton envers les détenus… Bref, une triste mise en scène pour tenter de donner « une bonne image » du centre, et faire comme si tout se passait dans un climat des plus sereins ! Leur ultime liberté n’est donc plus : celle de hurler leur désarroi et dénoncer leurs conditions de détention par les fenêtres. Cela donne à réfléchir sur ce qu’il se passe réellement derrière ces barbelés.

 


 Ce qui suit se déroule par contre en dehors du centre fermé 127 bis et témoigne d’une violence et d’un abus de pouvoir incontrôlé de la police. Vers 15h00, alors qu’il se rend au Steenrock, Ricardo fait l’objet d’un contrôle d’identité près de la gare de Nossegem qui va déraper de manière incompréhensible. A l’origine, un problème linguistique : le policier s’exprime en néerlandais, langue que le jeune homme ne maîtrise pas et celui-ci lui demande alors des « sous-titrages », remarque qui entraîne un des policiers dans une colère non maîtrisée. Il sort rapidement sa matraque et s’attaque au jeune homme avec une violence inouïe (de nombreux coups portés directement au visage). A côté de lui son collègue ne manifeste aucun geste et se contente d’observer. Les renforts arrivent finalement et Ricardo est amené aux urgences, après que la police a effectué un contrôle d’identité et acté le témoignage de Gilles, un ami de la victime qui a assisté à toute la scène. Aux urgences, Ricardo s’est vu poser une vingtaine de points de suture. De plus, il a perdutrois dents et a la mâchoire fracturée. Son immobilisation et sa rééducation vont durer plusieurs mois.

 

 

 

Plainte va être déposée par la victime et sa famille, appuyée par de nombreux témoignages des personnes présentes sur les lieux, qui s’interrogent sur les raisons de cette violence acharnée des forces de l'ordre, en toute impunité. 

En tant qu’organisatrice du concert, la CRER soutient le jeune homme et souhaite diffuser largement ce communiqué. Le geste posé par le policier devient dans ce cadre pacifique un acte politique inacceptable et à dénoncer.
 Nous demandons que le responsable de la brigade de police de Zaventem prenne ses responsabilités.

 

 

 

L’idée du Steenrock se veut belle : montrer de manière pacifique notre désaccord total sur l’existence de ces prisons, le résultat est hélas effarant…

19:25 Publié dans Rhumeurs | Lien permanent | Commentaires (26) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Commentaires

"En général, les « freedom », « help me », « it is a prison »… de détresse des prisonniers font plutôt froid dans le dos."

Tout cela fait tout de même un peu téléphoné... Des "prisonniers" qui ne s'expriment qu'en anglais, un policier qui ne s'exprime qu'en néerlandais, un "suspect" chilien qui ne parle pas l'espagnol...

Quel mauvais scénario!

Avec Michèle Martin, on a au moins quelque chose à se mettre sous la dent...

Écrit par : Hachiville | mercredi, 11 mai 2011

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Ce sont des demandeurs d'asile et le "suspect" a des papiers en règle, et parle espagnol. Il vit en Belgique depuis plusieurs années.

Écrit par : Marcel Sel | mercredi, 11 mai 2011

Ce qui s'est passé est scandaleux. La police va mener une enquête interne ... D'après ce que j'ai lu online dans les journaux des témoins auraient filmé avec leur gsm. J'espère que l'affaire ne sera pas étouffée. Ni tronquée.
D'après Knack, "Bij een identiteitscontrole heeft een agent inderdaad geweld moeten gebruiken", zegt woordvoerster Wendy Biesmans."... je m'interroge sur le sens de cette phrase de la chargée de communication de la police, "a dû (!) utiliser la violence" ... pourquoi le mot moeten ? il faudrait un néerlandophone qui m'assure que je traduis bien les nuances ....
Voici le lien de l'article dans Knack:
http://knack.rnews.be/nl/actualiteit/belga-algemeen/steenrock-bezoeker-in-ziekenhuis-na-politiegeweld-bij-identiteitscontrole/article-1195007136235.htm

Écrit par : saskia | mercredi, 11 mai 2011

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@Saskia : le "moeten" prétend en effet que le jeune homme aurait agressé le policier. Vous avez vu le jeune homme ?

Écrit par : Marcel Sel | jeudi, 12 mai 2011

Le Victor Jara des "sous-titrages". Trop touchant ! Ah les méchants Flamands, dis donc ! :)))

Écrit par : Endadine Akass | mercredi, 11 mai 2011

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Mes fils qui ont l'habitude de se rendre à quelques festivals de musique organisés en Flandre en été hésitent maintenant à encore y aller car il y règne une tension palpable à l'égard des Francophones.

Écrit par : Pierre@s | jeudi, 12 mai 2011

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Quel foin si l'inverse c'était produit... un flamand tabassé en Wallonie...

Écrit par : thomas | jeudi, 12 mai 2011

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ou un policier flamand qui se fait tabasser par un francophone, en flandre.... oups cela c'est déjà fait...

Écrit par : wanda (iq moins de 50) | jeudi, 12 mai 2011

Wanda, vous faites référence à Hofstade ? Les flics s'y sont fait tabasser parce qu'ils étaient Flamands (d'ailleurs l'étaient-ils tous ?) Ou bien parce qu'ils étaient… policiers ? Être flic est la tare suprême pour ces jeunes handicapés du bulbe, je vous le précise, au cas où vous ne le sauriez pas. Que le flic parle français, flamand ou linguala.

De l'autre côté, un jeune se fait tabasser par un policier (apparemment) parce qu'il ne parlait pas néerlandais…

Même niveau de bêtise (je me modère dans le choix de mes mots) dans les deux cas. Mais l'un est un problème communautaire, l'autre ne l'est pas.

Écrit par : Franck Pastor | jeudi, 12 mai 2011

Apparemment, l'humour "je voudrais des sous-titres" n'est pas le fort de la police de Zaventem.

Écrit par : Marcel Sel | jeudi, 12 mai 2011

@Frank Pasteur

En tant que néerlandophone, je me suis un jour fait tabasser par un policier néerlandophone en Flandre. J'ai porté plainte.

Si ce jeune homme était néerlandophone, et s'il avait fait une remarque sarcaste en néerlandais, probablement le policier lui aurait donné des baffes aussi.

Il y a des connards partout, et chez certaines professions on en retrouve souvent beaucoup

Écrit par : Thomas | jeudi, 12 mai 2011

Des baffes?
C'est une plaisanterie?
Tu as vu sa gueule de francophone fracassé?

Pour le même prix, espagnol francophone moi aussi, je me prenais une "baffe" aussi?

Il y a vraiment des malades partout, mais certaines professions sont un concentré de violence et d'agressivité. Saupoudrez le tout d'un racisme flamand anti-franco et ça donne des "baffes"?

Sérieux Thomas, retourne ta plume 7 fois dans ton plumier avant d'écrire des "baffes" -)

Écrit par : DonBlacksad | jeudi, 12 mai 2011

@ Don

Pardon, je ne savais pas que le mot "baffe" avait une connotation plutôt gentil.
Le français n'est pas ma langue maternelle, vous savez.

Écrit par : Thomas | vendredi, 13 mai 2011

Ce policier est un idiot, tout simplement ! Et des idiots il y en a partout. La même chose aurait pu se produire en Wallonie.

Maintenant, il faut bien reconnaître que si nos politiciens ne soufflaient en permanence la haine et le ressentiment, de telles enclumes ne donneraient sans doute pas libre cours à leurs frustrations profondément refoulées !

Écrit par : Tournaisien | jeudi, 12 mai 2011

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NB: encore heureux que l'on ne l'ai pas maîtrisé avec un coussin... (même brigades?)


ps: ironie

Écrit par : Pye | jeudi, 12 mai 2011

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@Franck Pastor

Les francophones qui ont tabassé les policiers à Hofstade, et les policiers à Steenokkerzeel qui ont tabassé un francophone ont beaucoup en commun: un bas niveau de scolarité et ils ne supportent pas qu'on leur donne une remarque

Écrit par : Thomas | jeudi, 12 mai 2011

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En effet…

Écrit par : Franck Pastor | jeudi, 12 mai 2011

S'agirait-il donc d'une horrible vengeance policière, si je lis entre les lignes?

Écrit par : DonBlacksad | jeudi, 12 mai 2011

@Don : je n'ai pas voulu en faire une question communautaire, mais il semble d'après un témoin et Ricardo (le témoin étant la personne qui a pris ce dernier en stop) que le policier ait tabassé quand celui-ci a demandé un peu ironiquement "des sous-titres" parce qu'il ne comprenait pas le néerlandais que les policiers s'entêtaient à lui parler — il est Chilien.

Zoé Genot a posé une question à ce sujet à la ministre de l'intérieur qui trouve apparemment que tout va bien puisque le garçon, sous le choc, n'a pas porté plainte immédiatement. Il était sous anesthésie totale à l'hôpital. Personnellement, je crois qu'on a là typiquement une bavure, et que l'ambiance proflamingante n'y est pas pour rien. Mais ce n'est qu'une opinion personnelle…

Écrit par : Marcel Sel | vendredi, 13 mai 2011

Merci de diffuser Marcel.

Écrit par : maurice | jeudi, 12 mai 2011

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Mouais, jamais eu beaucoup de compassion pour les abrutis qui manifestent devant les centre pour "réfugiés" (illégaux est le mot correct).
Maintenant, il faut voir ce qui s'est passé avant de condamner qui que ce soit.

Perso, je serais pour l'instauration d'une double taxation sur les personnes qui veulent aider les illégaux. Cela ferait de l'argent pour ceux-cis.
Sans oublier l'obligation d'en héberger chez eux!

Écrit par : MARS | jeudi, 12 mai 2011

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Comment est-ce possible de proférer des remarques aussi minables et gorgée de racisme sans rougir de honte au moment de cliquer sur envoyer. C'est scandaleux et çà me dégoute.

Écrit par : Galadhrim | vendredi, 13 mai 2011

A partir du moment ou l'on avance le terme de racisme à tout bout de champs et pour n'importe quelle raison ou contexte, je ne suis guère surpris de votre dégout.
A force d'entendre les mêmes âneries à la RTBF une bonne partie de la population crois que c'est normal!

Moi, je suis dégouté que certains se permettent d’accueillir des profiteurs avec l'argent des autres. Si ils veulent le faire, qu'ils soient prêt a en payer toutes les conséquences.

Je n'ai aucun problème a accueillir quelqu'un chez moi mais il ne me viendrais pas à l'idée d'obliger le reste du pays à faire de même.

Égoïste intolérant!

Écrit par : MARS | vendredi, 13 mai 2011

Marcel,
Oui, c'est bien le mot moeten qui me dérange. La chargée de relation tente d'excuser les policiers.
Il faut à tout prix suivre cette histoire ... cela relève du pénal !

Écrit par : saskia | vendredi, 13 mai 2011

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@Marcel Sel
Oui moi aussi je pense que la propagande flamingante n'est pas pour rien dans cette violence policière. Et cela fait peur. Haine de la langue française (et frustration et revanche vis-à-vis de ces Francophones), sentiment de ne pas être respecté en tant que flamand quand quelqu'un vous parle une autre langue en Flandres (droit du sol) + ras-le-bol de la politique d'immigration. + Il y a aussi le fait qu'ils ne se seraient pas permis ça par rapport à un pdg chilien, ils se sont relâchés face à un homme suspect à leurs yeux

Écrit par : saskia | vendredi, 13 mai 2011

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Bonsoir Monsieur Sel,
Je lis régulièrement vos articles, j'admire votre talent d'écrivain
qui décrit clairement les événements intolérables et de plus en
plus graves qui se détoulent dans notre pays.
J'ai lu votre livre "Walen buiten". Etant une adepte des transports
en commun, j'ai eu peur de l'exposer aux yeux de tout le monde
et l'ai recouvert, oui, j'ai eu peur, et quand j'entendais parler flamand près de moi, je le rangeais prestement dans mon sac. Et cette peur, au fil du temps grandit
en moi. J'ai peur de l'avenir, pas pour moi, mais pour mes enfants et
petits-enfants. Que va devenir ce pays? Je suis heureuse qu'au moins un de mes
enfants soit parti vivre en France.
Continuez Monsieur Sel à dénoncer haut et fort l'inacceptable.

Écrit par : Ergo | vendredi, 13 mai 2011

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