vendredi, 12 avril 2013

Un passeport expiré est valide, mais pas très.

(Mis à jour)

Un peu négligent de par ma condition d'artiste, j'avais prévu de faire renouveler ma carte d'identité dans le courant de cette semaine, sachant que j'attendrais deux à trois semaines de recevoir mon nouveau document. Négligent, car ma carte d'identité est expirée depuis quelques jours. Mais j'ai un passeport qui prouve mon identité. Négligent, oui. sans papiers, non. Détail gênant : ce passeport est expiré lui aussi — depuis quelques jours. Problème, me direz-vous ? Mais non : pour circuler dans Schengen et un certain nombre d'autres pays, un passeport belge expiré depuis moins de cinq ans est parfaitement valable, comme l'atteste cette convention du Conseil de l'Europe. En d'autres termes, un policier belge dispose, avec ma carte d'identité, d'un document à jour (mon adresse est la bonne, mon numéro national aussi, et ma photo est super-sexy). Quant à un douanier français, italien, suisse ou turc, il doit accepter mon passeport, même expiré, pendant encore un petit cinq ans. Négligent, mais pas délictueux.

Sauf que non.

Il y a quelques jours, j'apprends que je dois aller en Irlande la semaine prochaine. Sûr de mon bon droit, et certain que si la Turquie et la Suisse acceptent mon passeport un peu périmé, l'Irlande aussi, je ne m'inquiète pas — je n'avais d'ailleurs pas remarqué que ma carte avait dépassé la date limite de fraîcheur : elle ne dégageait aucune mauvaise odeur. Mais une semaine avant de partir, je passe de négligent à pro, je vérifie rapidement les dates, je relis la convention internationale ci-dessus, je me convainc (à tort) qu'elle concerne l'ensemble des pays membres du Conseil de l'Europe, et au moins ceux de l'Union européenne, et je me confirme à moi-même que tout va bien. Négligent, mais scrupuleux, je me dis tout de même "on ne sait jamais que tu tombes sur un douanier mal informé, prends quand même tes précautions, mon gamin" (c'est comme ça que j'appelle l'ado qui sommeille en moi, toujours tenté par la procrastination). Je vais donc voir déjà ce que disent les webs.

Ambassade d'Irlande : il vous faut un passeport valable (non expiré, donc, quoique légalement, je suis persuadé qu'un passeport expiré est encore "valable" pendant cinq ans, mais bon). Même topo chez Aer Lingus et à l'IATA. J'écris donc à l'ambassade et à Aer Lingus. Une source consulaire féminine me répond dans un français ma foi charmant qui me donne une folle envie d'aller louer "The wind that shakes de Barley" et de le regarder en boucle jusqu'à mon départ : "Ici ont dit toujours qu'un passeport ou carte d'identité doit etre en validité pour voyager.  L'immigration dans l'aeroport est stricte et ils ont toujours le dernier mot…" Ireland, I love the way you talk ! Quelques minutes plus tard, je reçois la réponse d'Aer Lingus, et là, déception : c'est d'une efficacité un peu trop sobre pour avoir été rédigé par quelqu'un qui serait tombé dans un tonneau de Guinness étant petit : "Nous vous informons que vous avez besoin de votre passeport en cours de validité." Point. Emballez, c'est pesé.

De fait — et un peu distrait par le soleil — ce n'est que lorsqu'un premier commentateur m'invite à examiner la liste des pays signataires (que je n'ai finalement trouvé qu'en… Suisse) que je me rends compte que l'Irlande n'en fait pas partie. La Turquie, oui. Le Liechtenstein, oui. La Suisse, oui, l'Ukraine, oui. L'Irlande, non.

Je me dis que l'Union européenne a un talent fou pour rendre tout très, très compliqué pour le citoyen.

Il ne me reste donc plus qu'à demander, soit un passeport, soit une nouvelle carte d'identité en urgence (130 euros pour la carte, 270 pour le passeport). L'urgence, c'est trois jours ouvrables. Je me dis donc que, tant pis, je perdrai une septantaine d'euros (la différence entre le prix de la CI normale avec une première amende de retard, et l'urgence). Sauf qu'à ces trois jours ouvrables, il faut ajouter une demi-journée de carence, une journée d'envoi, une journée de renvoi… Bref, trois journées ouvrables belges égale cinq. Et dans cinq jours ouvrables, je vais me retrouver menotté par les autorités de l'Eire libre pour avoir, rouge de colère, exigé que mes droits de citoyens européens soient respectés, brandissant, sûr de moi, la convention européenne que l'Irlande n'a jamais ratifiée, mon passeport fraîchement rabougri, criant "freedom for the Belgian", exigeant qu'on me laisse entrer dans la verte Irlande, envahir ses pubs, me saoûler de Guinnes et d'accent dublinois, m'ennivrer d'Irish stew et siroter enfin un Irish Coffee fait avec du Jameson et pas avec le premier whisky venu, for Christ's sake !

Friday, bloody Friday, je me dis. Évitons les vaines discussions, le constable inflexible, les menottes et le renvoi au pays et faisons ce qu'il faut. Car il reste une solution : la carte d'identité en extrême urgence (deux jours, qui en sont trois), à 200 euros. Voilà, problème réglé, à moins d'une révolution, j'aurai mon document largement dans les temps. Mais je l'aurai payé un peu cher.

Alors voilà. D'accord, j'ai été négligent. D'accord, j'ai été un rien trop optimiste quant à l'ouverture des frontières à l'intérieur de l'Europe. D'accord, je n'aurais pas dû penser que ce qui est valable en Suisse, en Ukraine ou en… Turquie ne l'est pas en Irlande ou au Royaume-Uni. Mais depuis, une personne m'a raconté qu'avec un passeport français expiré depuis moins de 5 ans — donc valable dans Schengen — elle n'a même pas pu prendre l'avion à Charleroi Sud pour se rendre à… Brest ! Sans compter qu'il est impossible à un citoyen européen de s'en sortir dans le spaghetti des résolutions, traités, conventions, tous et toutes assortis de réserves, commentaires, exceptions nationales et tant d'autres délicatesses qui ne servent finalement qu'à convaincre l'ambassadeur lambda qu'il a "obtenu" quelque chose pour ses nationaux. Il n'a obtenu qu'une emberlificotation pour tous ! On se demande alors pourquoi des armées de fonctionnaires et mandataires préparent, discutent, révisent, brandissent et défendent des traités qui, au final, ne servent pas à grand chose. Au final, il serait plus clair d'exiger partout un passeport valide. Je n'ai qu'à me mettre en règle, après tout !

Du reste, lorsqu'on examine les annexes du document, on se dit que le nombre d'exceptions est tel qu'il faudrait aux services de douane cinq bonnes années plus un doctorat pour assimiler toutes les nuances du système qui n'ont fait que s'accumuler au fil des ans. L'objectif de la convention était de faciliter la circulation des personnes à l'intérieur de notre espace européen (Schengen ou pas). Et à l'arrivée, eh ben, faut bien reconnaître que ça ne marche pas et que ça complique tout.

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jeudi, 11 avril 2013

Le point Malouines

L'info n'est pas recoupée mais elle est suffisamment savoureuse pour que je la diffuse, avec les réserves d'usage. Voici : pendant la guerre des Malouines, les Anglais auraient envisagé d'inonder les lignes de front argentines de tracts sensés démotiver les soldats sudaméricains. Il sagissait de décrire la vie dorée des officiers argentins, bien au chaud, passant leur temps à s'ébattre avec les femmes du cru, pendant que le bidasse latino risquait sa peau sur le terrain. On aurai précisé qu'au contraire, les officiers britanniques partageaient le sort de leur troupe et prenaient les mêmes risques qu'eux, n'est-il pas ?

L'on soumit alors l'idée à des «spécialistes» de la culture latine. Hélas, ceux-ci auraient expliqué à leurs homologues militaires que de tels tracts n'auraient absolument pas démoralisé les poilus Argentins, au contraire : ils auraient même galvanisé les troupes qui auraient conclu que leurs ennemis british étaient commandés… par des débiles ! Hombre ! 

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mardi, 09 avril 2013

Alain Destexhe, l’arrosé du matin.

Il y avait l’arroseur arrosé, le député Alain Destexhe nous propose mieux encore : l’arroseur qui s’arrose lui-même. Bon, ça date du temps où il était encore sénateur (2008), mais à l’époque déjà, Destexhe lavait plus blanc que blanc… quand il s’agissait des autres. De quoi s’agit-il ? Tout fier d’avoir écrit, avec Rudy Aernoudt, «Comment l’État gaspille votre Argent», notre représentant de la Nation envoie aux libraires une petite circulaire leur annonçant une conférence de presse et un article dans Trends Tendances. Jusque là, rien de plus normal pour le docteur autoproclamé des institutions belges. Sauf que, voilà, un peu distrait, Alain ne trouve rien de mieux que d’envoyer sa petite promo sur… son papier à en-tête du Sénat ! Eh oui, rien n’est plus convaincant pour convaincre qu’un bon exemple… 

 

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samedi, 06 avril 2013

Des Chypre et des Lèpres.

Vous êtes français(e) et vous trouvez qu’un ou deux pour cent d’impôt sur la fortune est confiscatoire? Que diriez-vous de 60 ou 80 % ? Vous êtes belge et vous soutenez que 51 % de retenue sur un salaire moyen est ahurissant ? Que diriez-vous de limiter la ponction à 30 % (l’impôt chypriote, grosso modo) mais de donner les deux tiers de votre (petit) patrimoine en échange ? Vous êtes un entrepreneur allemand et vous criez que 20 % d’impôt de société est une hérésie ? Et si on vous supprimait simplement les trois quarts de vos liquidités du jour au lendemain ? 

 

C’est ça, Chypre, aujourd’hui. Et pire encore : certains perdent absolument tout : la garantie des 100.000 euros n’est ainsi pas applicable pour les « sociétés d’investissement ». Elles verront leur compte amputé de 37,5 à 60 % sur la totalité de son encours, et pourraient subir un effacement total de leurs avoirs si elles avaient le malheur d’être chez Laïki ! La « résolution » de la crise chypriote par la Troïka s’apparente donc à la négation, à la fois des principes du libéralisme et du capitalisme, mais aussi du socialisme et du sacro-saint humanisme européen. C’est l’application de la Loi de la jungle, c’est l’anarchie au service de la bonne conscience financière eurocratique. C’est la fin de l’empire européen. Car il s’agit de nier la condition de client des déposants au profit d’une condition d’actionnaire tous risques. Il s’agit de nier la responsabilité de la zone euro dans ses banques. Il s’agit de considérer que chaque banque appartient à chaque État quand il sert en réalité, à Chypre, aussi bien des avoirs anglais qu’allemands, suédois, russes, grecs, etc.

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jeudi, 28 mars 2013

Indignés de Cons top 6 essais chez Carrefour Belgique

C'est sur mon blog info/promo Indignés de Cons, à découvrir ou à redécouvrir…

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lundi, 25 mars 2013

Rencontre chez TaPage avec François De Smet ce vendredi 29 mars

Jacques Rouben, le boss de la librairie TaPage (j'adore le nom…) a eu la gentillesse de m'inviter à une rencontre avec François De Smet (philosophe bien connu notamment pour ses excellents billets sur La Première (RTBF). Le sujet, c'est bien entendu Indignés de Cons. Il y aura des exemplaires en suffisance et je ne me ferai pas prier pour dédicacer les exemplaires de ceux qui le désirent. Mais surtout, c'est l'interview par François De Smet qui vaudra, à coup sûr, le détour !

Détails
Le vendredi 29 mars (ce vendredi, donc) à 18h
Librairie TaPage,
Cours St. Michel, 83 (sur le parking du GB-Carrefour)
1040 Bruxelles

Métro Thieffry / Bus 36 

Ou inscrivez-vous via l'événement Facebook

 

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mardi, 19 mars 2013

Warning : ce paquet d'euro contient de la Nicosie.

La panique et un malstrom de réactions en tous sens. Voilà ce qui a suivi la décision du Conseil des ministres des Finances de l’UE — eh oui, tous nos ministres des finances de tous nos pays — assisté de la Commission, d’accepter — et non d’imposer — une taxe de 6,75% sur les comptes de moins de 100.000 €, et 9,9% sur les plus gros à Chypre. On a entendu de tout, y compris ce matin sur #Connexions (La Première, RTBF, Belgique) où l’on a eu la gentillesse de me demander mon avis. Un auditeur disait en gros qu’il en avait assez d’entendre qu’il fallait taxer les méchants riches, comme si les pauvres étaient gentils. Il n’a pas tort, il y a des méchants partout. Mais les riches ont les moyens, et les pauvres pas. Quant aux méchants, on pointe aujourd’hui Chypre qui aurait accepté de l’argent «sale» alors qu’évidemment, il y en a un peu partout. Il est juste plus dilué en Europe du Nord, encore qu’en Suisse, pays enchanteur par excellence… Bon. Rappelons que la fraude de banques comme la respectable Deutsche Bank sur le Libor ou l’Euribor, c’est aussi de l’argent sale !

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lundi, 18 mars 2013

Le momentum.

C’est une simple question de logique politique. Après les élections de 2010, le politologue néoflamingant Bart Maddens avait déjà constaté que, jamais dans l’Histoire belge, les nationalistes flamands n’avaient été aussi puissants. Certainement pas avant-guerre, où le VNV atteignait péniblement les 15%. Même lorsque le Vlaams Belang recueillait 24% des voix au Parlement flamand en 2004, en y ajoutant les 4 sièges de la N-VA, les deux partis indépendantistes ne couvraient qu’un tiers de l’hémicycle, avec 38 sièges. Depuis, la N-VA a «cartonné» (un peu moins de 30%) aux élections fédérales de 2010, et provoqué (avec l’aide du CD&V) la plus longue crise politique jamais vue dans un pays démocratique. Si le CD&V ne s’était pas déscotché du parti de De Wever à l’été 2011, on peut même se demander combien de mois de plus sans gouvernement il aurait fallu avant que les «Francophones» ou les «Flamands» (ou les deux) ne concluent à l’impossibilité de continuer l’expérience belge.

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mercredi, 13 mars 2013

Affaire du Coran déchiré : Droit de réponse de Charlie Hebdo

Suite à mon article précédent, Charlie Hebdo me demande de publier le droit de réponse suivant. Je commente ce droit sous l’article :

 

Cher Marcel Sel, 

 

Merci d'être un lecteur de l'hérétique, petit carré de papier où l'on tente, avec les moyens du bord, comme on le peut, comme une bouteille à la mer, de parler de cas divers et variés où des personnes aussi différentes qu'un journaliste saoudien, un étudiant anglais ou — pourquoi pas — un facho belge, seraient victimes de l'ordre religieux.

 

Votre réaction au cas du mystérieux Arne S est intéressante à plus d'un égard, car elle apporte un éclairage aux «faits», tel qu'il n'y en a pas eu dans les médias. Toutefois, cela change-t-il quelque chose au fond ? L'info, pour Charlie, c'est la sentence prononcée par la justice belge. Peut-on condamner — quiconque — en démocratie, pour avoir déchiré un coran ? Cette personne n'a pas été condamnée pour acte de vandalisme, pour destruction de biens d'autrui, ni pour injures raciales, mais bien pour avoir déchiré un coran. 

 

Justifier la sentence par l'appartenance, certes, nauséabonde du condamné, relèverait de l'Argumentum Ad Hominem et non plus de la justice, qui se prononce aveuglément, en jugeant les actes seuls. Clin d'oeil au passage, car vous avez bien modéré le titre «Charlie Hebdo défend le Vlaams Belang», en précisant que l'auteure (moi-même), est d'origine arabe, donc non soupçonnable de racisme. Encore un Argumentum Ad Hominem. Pas besoin de s'appeler Zineb pour être blanchi de l'accusation. Charlie Hebdo, de ce côté-là, a toujours défendu des principes clairs. Il est difficile de dire si ce sont les religieux ou les fachos qui sont les plus ridiculisés sur nos colonnes. 

 

Non, Charlie ne défend pas les racistes, Charlie s'inquiète simplement du fait que déchirer un coran soit passible de poursuites en Belgique. 

 

Zineb EL RHAZOUI, journaliste.

 

Ma Réponse :

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23:47 Publié dans Humeurs brèves | Lien permanent | Commentaires (154) | |  Facebook |  Imprimer | | | |

Charlie Hebdo défend le Vlaams Belang (avec Belga).

Mise à jour : cet article fait l'objet d'un droit de réponse de Charlie Hebdo.

L'histoire commence en fait par une dépêche Belga bizarrement tournée, comme le montre Pierre-Yves Lambert dans cet article (sur un blog "cosmopolite" comme on dit, mais la démonstration est assez claire). Que dit la dépêche ? En gros, qu'un certain Arne S a déchiré un coran devant une dizaine de jeunes musulmans dans un café d'Ostende. Le plaignant affirme qu'un des jeunes le lui aurait lancé à la tête et zou, il l'a déchiré. Tout cela, après avoir participé, selon Belga, repris par l'ensemble de la presse, "à une petite manifestation". Point. Mais surtout, le juge a condamné le déchireur à 4 mois de prison. Glups.

Du coup, les sites islamophobes se sont rués, bien sûr, sur l'occasion. C'est évidemment un cas d'école d'islamisation de la société occidentale, disent-ils. Et le pompon, c'est Zineb (une Franco-marocaine, donc pas suspecte de racisme), dans Charlie Hebdo qui titre "Inquisition à la Belge" avec une argumentation qu'un député un peu rageur du Front National ne détesterait pas : "Peu importe si le Coran appelle au meurtre des autres peuples, c'est la version de l'islam victimaire qui sera retenue par le tribunal". Elle finit par "Ce qui est sûr, c'est que déchirer un coran (…) n'a pas été interprété comme un acte de liberté d'expression (…) n'est plus raciste, donc, celui qui s'attaque à la personne, mais à sa religion. Exactement ce qui souhaitent les intégristes. Bravo, la justice belge".

Partant de la dépèche Belga, j'aurais conclu à peu près la même chose. Mais le simple fait de n'avoir pas précisé de quel genre de manif il s'agissait m'aurait mis une puce à l'oreille : pourquoi n'a-t-on pas été chercher plus loin dans la presse généraliste (en ligne, du moins) ? Pourquoi n'a-t-on pas ajouté que la "petite manifestation" en question était en fait organisée par le Vlaams Belang et qu'Arne S en était peut-être l'une des fortes têtes ? Pourquoi n'a-t-on pas expliqué que la manif (en présence du très raciste Filip Dewinter semble-t-il) était organisée contre une nouvelle petite mosquée absolument pas suspectée d'intégrisme ? Comment tant de gens, Zineb en tête, peuvent-ils croire un prévenu potentiellement d'extrême droite lui-même, qui affirme qu'un jeune musulman lui aurait lancé un Coran à la tête ? À ma connaissance, peu de jeunes musulmans se promènent avec leur Coran, et ceux qui le font ont plutôt tendance à le garder sur eux. Je n'ai pas lu le jugement, mais on peut tout de même imaginer qu'Arne S se promenait avec un Coran pour "prouver" sa nocivité, qu'il aurait ensuite déchiré par pure provoc. C'est assez courant chez les anti-Coran. Et quand des Vlaams Belang et des musulmans se retrouvent dans un café, les insultes racistes ont tendance à voler bas. Et surtout, surtout, pourquoi écrit-on de tels billets sans la moindre vérification à partir de dépêches aussi lapidaires ?

Bref, voilà. Pour satisfaire sa haine (pas illégitime) des religions et de l'islam en particulier, Charlie Hebdo a une fois encore suivi aveuglément une campagne d'extrême droite et pour le coup, elle défend le gentil Vlaams Belang (soit le FN, en encore pire) et ses affiches racistes contre… le méchant État belge inquisiteur. Ce faisant, l'hebdo satirique fait le jeu d'une intolérance contre l'autre. Sauf que celle qu'il défend, elle siège au Parlement… 

Espérons pour l'hebdo — un peu en difficultés financières — que ce nouveau tournant lui apportera de nouveaux abonnés. Les mauvaises langues affirment même qu'au FN et au Vlaams Belang, la lecture de Charlie est devenue obligatoire !

11:00 Publié dans Humeurs brèves | Lien permanent | Commentaires (28) | |  Facebook |  Imprimer | | | |